Si la Corse est l’île où la voix est reine – où elle anime l’intensité polyphonique de la paghjella, l’invention poétique du chjama è rispondi ainsi que les berceuses, complaintes et lamentations funèbres – il y existe aussi un répertoire instrumental riche et varié, exprimé par le souffle des flûtes de berger : pìfana et pirula, la puissance de la cialamedda, les notes cristallines de la cetera mais aussi l’adoption du violon, de la guitare, de la mandoline et de l’accordéon, sans oublier le violoncelle et l'orgue.
Il faudrait sans doute pouvoir remonter jusqu'à la préhistoire pour retrouver l'origine de certaines des formes les plus typiques des traditions musicales. En effet, les hommes de ces premiers âges élaboraient déjà des sons, des «musiques», se servant pour cela de matériaux naturels, de coquillages, et plus tard fabriquant et utilisant les premiers véritables instruments ; ceux connus généralement comme les plus anciens sont, partout, les tambours, les flûtes de roseau, de corne ou d'os, les premières guimbardes. Les multiples invasions qui se sont succédé tout au long de l'histoire de l'île ont laissé des empreintes sonores. Les instruments ont évolué, se sont transformés, dans un usage toujours intimement lié à celui de la poésie chantée.
Parfaitement adaptés à l'accompagnement du chant traditionnel, ils ont failli être victimes des modes et, quelquefois, de la répression des occupants successifs. Ainsi, les instruments à vent (pivana, pirula, cialamella) disparaissent du paysage sonore corse pratiquement dès le début du xxe siècle. À l'arrivée de la guitare, instrument chromatique, et de son répertoire, la cetera (diatonique) s'efface peu à peu. S'ensuit une longue période d'oubli jusqu'au renouveau culturel des années soixante-dix.
Depuis, et de plus en plus aujourd'hui, ces instruments retrouvent l'estime et la place qui leur reviennent. Ils inspirent même des créations. On les retrouve alors côtoyant, dans les orchestrations, instruments plus modernes et autres générateurs électroniques.
La pivana (ou pifana) est une flûte conique en corne de chèvre, à la voix incisive.
La corne est coupée à ses deux extrémités. Dans la plus grosse est taillé le sifflet ;
dans la partie concave des logements sont creusés dans l'épaisseur de la corne six trous. La concavité du corps résonateur de l'instrument
favorise la quinte dans les harmoniques.
La cialamella, cialambella, cialamedda ou ciaramella est un instrument à anche double de la famille des chalumeaux, apparenté à un petit hautbois. La cialamella est taillée dans du bois de buis ou de figuier. Longue de 22 cm, elle a une perce cylindrique pratiquée au fer rouge et se termine par un pavillon (campana). Elle a 6 trous de jeu plus un trou d'octave au dos. Une anche en roseau taillé (zampogna) est insérée dans le corps lui donnant ce son spécifique, un peu voilé et nostalgique. Elle a un son beaucoup plus puissant que celui de la pivana et s'entend de loin.
A pirula (aussi appelée u fischettu, u fischiu, u flaitu ou u zifulettu selon les régions, est une flûte fabriquée avec du roseau à quenouille coupé à « la vieille lune ». C'est l'instrument de la tradition pastorale. L'usage voulait que le berger qui avait fini de payer ses pâturages aux propriétaires, se mette à en jouer pour signifier que désormais il ne devait plus rien à son propriétaire. Percée de sept trous, cette flûte joue sur une octave et environs trois tons à l’octave superieure. La pirula est généralement accordée en mode de ré.
La cetera (ou cetara) est une variété de cistre. Depuis les années 1970 une quinzaine d'instruments ont été répertoriés, dont le plus ancien, probablement du XVIIe siècle, a été découvert au village de Merusaglia. Une copie a été reconstituée dans l'atelier du luthier italien Bartolomeo Formentelli à l'initiative d'une association d'artisans de Pigna.
La caisse est à fond plat. Elle est montée de 8 chœurs de cordes. Les cordes métalliques sont couplées à l'unisson ou l'octave. Le coeur d'essences légères de cerisier, cyprès ou de tilleul aux parures de noyer.
La cetera se joue généralement avec un plectre, mais on peut employer également la technique du luth ou bien encore celle de la guitare en utilisant un médiator. Chaque technique a ses avantages et ses inconvénients : le plectre sur la corde donne une attaque claire et puissante, rythmique et percussive tout comme les joueurs de oud ; le contact de la corde au doigt donne de la douceur, du relief et permet un jeu arpégé et tendant vers un répertoire à plusieurs voix ou soliste.
Voir aussi ici.
La guimbarde (A riverbula ou riberbula, rièbula, rivergula selon les régions) est un instrument connu dans le monde entier depuis la nuit des temps. On en a trouvé des traces au IIIe siècle av. J.-C. au Nord-Ouest de la Chine. En Corse elle était beaucoup utilisée par les bergers. Elle utilise une lamelle actionnée par le doigt comme élément vibrant et la bouche du musicien comme cavité de résonance. Ses harmoniques rejoignent celles de la cetera.
A caramusa est une cornemuse de roseau, de bois et peau. Elle se compose d'un chalumeau et un bourdon parallèle.
Elle est constituée d'un réservoir étanche (sac en peau animale) dans lequel de l'air est insufflé soit par la bouche de l'instrumentiste soit par un soufflet (ce qui est plus rare).
Voir aussi ici.
A cassella (ou casella) est la percussion la plus répandue. On tendait une peau de chêvre sur un tamis, et on utilisait de petits bâtons pour jouer.
L'Urganettu (accordéon diatonique) est un instrument de musique à clavier, polyphonique, utilisant des anches libres excitées par un vent variable fourni par le soufflet actionné par le musicien. Originaire d'Allemagne, il a été importé en Corse vers le début du XXe siècle.
Le violon était très répandu en Corse, où l'on trouvait jusqu'à 10 violoneux pour animer les fêtes dans les villages. Les violoneux ont développé tout un répertoire de valses, mazurkas, quadrilles, polkas et repris des danses plus anciennes qui étaient jouées auparavant sur d'autres instruments.
Un violon se compose de 3 parties principales : la caisse de résonance, le manche et les cordes. Sa longueur est variable. Le violon de taille maximale est dit "entier". Constitué de 71 éléments en bois (épicéa, érable, buis, ébène, etc.) collés ou assemblés les uns aux autres, il possède quatre cordes accordées à la quinte, que l'on peut frotter avec un archet ou pincer avec l'index en pizzicato.
Le triangle (u timpanu) est un instrument de musique idiophone constitué d'une barre métallique de section circulaire pliée en deux points de manière à former un triangle plus ou moins régulier. Il est tenu d'une main par le musicien, qui frappe dessus à l'aide d'une tige, également métallique. La dimension d'un triangle détermine la hauteur du son qu'il produit (directement proportionnelle à la longueur de la tige de métal utilisé)
Il était très utilisé car indispensable à l'harmonie des sunate (morceaux de danse).
Un disque à découvrir : Cetera, sous la direction artistique d'Henri Agnel, avec de nombreux musiciens de Pigna, dont Nando Acquaviva, Claude Bellagamba, Jérôme, Toni, Ugo et Nicole Casalonga, Cedric Savelli, Ceccè Guironnet, etc.
On citera aussi parmi les spécialistes de la cetera Roland Ferrandi et Migheli Raffaelli.
Lu dans Destination Corse :
Février 2018
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