J’ai entendu pour la première fois Miles Davis quand, adolescent, je découvrais le jazz à travers les disques de Charlie Parker. Mais le premier concert auquel j’assistai eut lieu en 1971, en pleine période « électrique » de Miles. A l’époque, j’appréciais autant le jazz que la pop « progressive ». Je ne fus donc pas dépaysé par les claviers électriques, les sons distordus et la pédale wah-wah. Je fus au contraire fasciné par cette musique qui pourtant n’avait pas grand-chose à voir avec les disques du Miles des années 50 -60, que je découvrirais plus tard. Pour le lecteur, je crois préférable de présenter les choses dans l’ordre, c’est-à-dire en commençant par le début : 1926, naissance d’un génie.
1926-1944 : les années d'apprentissage
Miles Dewey Davis III est né aux Etats-Unis à Alton (Illinois) le 25 mai 1926. L'enfant grandit dans un milieu familial relativement aisé (son père Miles Dewey Davis II est chirurgien-dentiste). Ses parents sont tous deux mélomanes.
Il commence la trompette à l’âge de 13 ans et en apprend les rudiments avec Elwood Buchanan, ex-trompettiste de l’orchestre d’Andy Kirk, qui lui fait découvrir les particularités de la trompette jazz, et l’aide à développer les fondements de son style. D’une part, il l’encourage à jouer sans vibrato, et d’autre part il l’initie au jeu doux, sobre et lyrique de trompettistes tels que Bobby Hackett ou Harold Baker. Très vite, Miles intègre l’orchestre de son lycée et découvre l’univers des jam-sessions.
Miles devient professionnel vers 1942, après sa rencontre avec le trompettiste Clark Terry, qui exerce sur lui une profonde influence. Fréquentant assidûment les clubs de la ville en trichant sur son âge, il commence à jouer en public dès que possible, acquérant une petite réputation régionale, tout en continuant à fréquenter le lycée.
En 1942, à l'âge de 16 ans, il fait la connaissance d'Irene Birth, dont il aura trois enfants. En 1944 naît leur première fille, Cheryl.
1944-1948 : les années Bebop
En 1944, l’orchestre de Billy Eckstine joue dans sa ville. Ce groupe cherche à adapter au format big band la révolution be-bop qui secoue le milieu du jazz depuis le début des années 1940. Il réunit les deux immenses créateurs que sont le trompettiste Dizzy Gillespie et le saxophoniste Charlie Parker. Au début du concert, Gillespie vient trouver Davis dans la salle pour lui demander de les rejoindre sur scène pour remplacer un trompettiste défaillant. Émerveillé par cette rencontre musicale, Miles prend une décision essentielle : il rejoindra le groupe à New York qui bouillonne des toutes nouvelles innovations jazzistiques apportées par ce que l’on appellera rapidement le be-bop. Miles Davis s’installe dans la 52ème rue, en compagnie d’Irene qu’il a récemment épousée.
Grâce à l'aide financière de son père, il s'inscrit à la rentrée 1944 à la célèbre Julliard School de New York, dont l'enseignement l'ennuie assez rapidement. Mais son véritable but est ailleurs : il commence à fréquenter assidûment le Minton's, berceau légendaire du Bebop, à la recherche de Parker et Gillespie. C'est à cette époque qu'il rencontre les trompettistes Freddie Webster et Fats Navarro, qui deviennent ses amis et complices musicaux. Ayant finalement trouvé Gillespie et Parker (qui habitera même quelque temps chez lui), il s'initie aux subtilités du be-bop, style musical particulièrement complexe et ardu. De plus, Parker, alias Bird, le présente aux autres légendes du style, dont le pianiste Thelonious Monk.
Parallèlement à ses études à la Julliard School, où il apprend le piano et s'initie aux compositeurs contemporains comme Prokofiev, Miles devient un habitué des jam-sessions de la nuit new-yorkaise. Il accompagne notamment la grande chanteuse Billie Holiday au sein de l'orchestre du saxophoniste Coleman Hawkins11. À propos de cette époque, il confiera plus tard : « Je pouvais en apprendre plus en une nuit au Minton's qu'en deux ans d'études à la Julliard School. »
Les choses commencent à bouger pour le jeune trompettiste : il obtient son premier engagement officiel début 1945, aux côtés du saxophoniste ténor Eddie « Lockjaw » Davis. Le 24 avril, il réalise son premier enregistrement en studio, gravant quatre premiers morceaux avec un quintet accompagnant le chanteur Rubberlegs Williams sous la direction du saxophoniste Herbie Fields. Ces morceaux de blues fantaisistes, centrés sur le chant, ne lui donnent guère l'occasion de montrer son talent, mais c'est un début.
En octobre, il intègre enfin le quintet de Charlie Parker, en tant que remplaçant de Dizzy Gillespie, qui a quitté le groupe. Le 26 novembre, le groupe enregistre avec Gillespie de retour... au piano. Le 28 mars 1946, Miles enregistre à nouveau, avec un Parker au sommet de son succès, les classiques Moose The Mooche, Yardbird Suite, Ornithology et A Night In Tunisia. La sonorité douce et le calme de son jeu, s'opposant à la véhémence de Charlie Parker, s'éloignent également beaucoup du style Gillespie, qu'il a d'abord tenté d'imiter avant de renoncer. Cette différence lui attire quelques critiques négatives, mais Davis impose rapidement son style propre. Le magazine Esquire le proclame « Nouvelle Star de la Trompette Jazz ».
Le 8 mai, Miles compose et enregistre sa première composition personnelle, Donna Lee, qui attire l'attention du célèbre arrangeur Gil Evans. Il restera trois ans dans le groupe de Parker, apprenant beaucoup et gravant plusieurs morceaux légendaires, mais faisant également connaissance avec les mauvaises habitudes du saxophoniste et de son entourage, au premier rang desquels la drogue, principalement l'héroïne, qui fait des ravages chez les « boppers ». Miles parvient dans un premier temps à ne pas tomber dans la toxicomanie, mais supporte de plus en plus mal le comportement erratique qu'elle induit chez ses collègues.
A l'automne 1946, Charlie Parker, à bout de forces, est hospitalisé pour sept mois à Camarillo. Sans groupe, Miles Davis joue notamment avec Charles Mingus, avant de rejoindre à nouveau l'orchestre de Billy Eckstine pour une tournée. Au printemps 1947, le groupe est dissout, et Miles est sans travail ; après des années de résistance il plonge dans la cocaïne et l'héroïne. Pendant quelques semaines, il joue au sein du big band de Dizzy Gillespie, puis rejoint un Charlie Parker remis sur pied.
Célébré par les lecteurs de magazines Jazz prestigieux dans leurs référendums annuels, participant à des enregistrements légendaires avec les musiciens les plus réputés du be-bop, Davis est pourtant en 1948 un homme frustré, impatient de créer une musique qui lui soit propre.
Le jazz cool et la collaboration avec Gil Evans
À l'été 1948, Miles Davis, en collaboration avec l'arrangeur Gil Evans, qu'il a rencontré plusieurs années auparavant, décide de mettre son projet à exécution en se détachant des principes du Bebop pour participer à une nouvelle forme de Jazz. Installé à New York, il fonde un nouveau groupe, intermédiaire entre le big band et les petites formations be-bop. Ce sera un nonet dans lequel chaque section devra, dans l'esprit de ses créateurs, imiter l'un des registres de la voix humaine : la section rythmique comprend contrebasse, batterie et piano. Au niveau des instruments à vent, on trouve en plus de la trompette de Davis et du saxophone de Gerry Mulligan un trombone, un cor d'harmonie, un saxophone baryton et un tuba.
Le 18 septembre 1948, le nonet se produit pour la première fois en public, assurant la première partie du spectacle de Count Basie au Royal Roost de New York sous le titre « Nonet de Miles Davis, arrangement de Gerry Mulligan, Gil Evans et John Lewis ». Une dénomination inhabituelle qui trahit la volonté de créer une musique reposant largement sur les arrangements. Jouant une musique dont l'orchestration riche, les arrangements soignés et la relative lenteur rompent radicalement avec l'urgence du be-bop, le groupe est notamment remarqué par le directeur artistique des disques Capitol Records, Pete Rugolo, qui se montre très intéressé.
Après un contretemps dû à la grève des enregistrements de 1948, au cours de laquelle Miles refuse de rejoindre le groupe de Duke Ellington, le nonet entre finalement en studio début 1949 à New York pour une série de trois séances qui vont changer la face du Jazz. En quinze mois et avec de nombreux musiciens différents, le groupe enregistre une douzaine de morceaux, dont les titres Godchild, Move, Budo, Jeru, Boplicity et Israel. Six d'entre eux sortiront en 78 tours, le reste devant attendre les années 1950 et le célèbre album Birth of the Cool, sorti longtemps après les faits, pour voir le jour.
Le Cool Jazz est né, mais ce n'est pas une révolution immédiate : le nonet est rapidement dissous, et cette nouvelle musique mettra plusieurs années à s'imposer parmi les musiciens et le public Jazz.
La collaboration avec Gil Evans se poursuit sur des projets qui intègrent des instruments et des traitements compositionnels issus de la musique classique. L’un des enregistrements qui en témoigne le mieux est certainement Sketches of Spain (sorti en 1960).
Miles et la France
En 1949, Miles Davis effectue son premier voyage à l'étranger, participant le 8 mai au Festival International de Jazz à Paris, salle Pleyel. Il a l’opportunité de revenir à Paris en 1957 pour réaliser la musique du film Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle. Le groupe, qui comprend Kenny Clarke et les musiciens français Barney Wilen (saxophone tenor), René Urtreger (piano) et Pierre Michelot (contrebasse) improvise la musique devant un écran projetant des scènes du film en boucle, à partir d'indications très limitées de Miles. Ces morceaux très visuels, ne comptant que très peu d'accords, resteront un jalon essentiel dans la carrière de Davis, le symbole de son nouveau style.
Miles Davis apprécie beaucoup l’Europe, et notamment la France, qui à l'époque est un pays beaucoup moins raciste que les États-Unis, surtout au sein du milieu qu'il fréquente à Paris. Il a pour la première fois la sensation, comme il le dira dans son autobiographie « d'être traité comme un être humain ».
En plein cœur de l’effervescence de Saint-Germain-des-Prés, il fait la connaissance de Boris Vian (amateur de jazz et trompettiste lui-même), Jean-Paul Sartre naturellement, Jeanne Moreau et Juliette Gréco dont il tombe éperdument amoureux. Il hésite à l'épouser, ce qui serait tout simplement impensable dans son pays natal (à l'époque, les unions « mixtes » entre Noirs et Blancs sont encore tout simplement illégales dans de nombreux États américains). Ne voulant pas lui imposer une vie aux États-Unis en tant qu'épouse d'un Noir américain, et elle ne voulant pas abandonner sa carrière en France, il renonce et rentre à New York.
1949-55 : Drogue et hard-bop
De retour aux États-Unis, la séparation d'avec Juliette Gréco et le milieu artistique parisien lui pèsent, et replonge dans l'héroïne. La drogue a des effets dévastateurs sur lui. Sa maison saisie par une société de crédit, il tourne avec d'autres drogués notoires, notamment au sein de l'orchestre reformé de Billy Eckstine, et se retrouve en prison à Los Angeles, suite à une descente de police.
Les années suivantes, Davis continue à enregistrer avec de nombreux artistes très cotés, tels que Charlie Parker, les chanteuses Sarah Vaughan et Billie Holiday, Jackie McLean, Philly Joe Jones ou Sonny Rollins. Il fait également la connaissance d'un jeune saxophoniste, John Coltrane, avec qui il joue brièvement à l'Audubon Ballroom de Manhattan. Mais, malgré l'intervention énergique de son père, qui le ramène chez lui à East St Louis et va même jusqu'à le faire arrêter par la police, il ne parvient pas à décrocher de la drogue. C'est après la rencontre en 1953 avec la danseuse Frances Taylor, qui va devenir sa seconde épouse, qu'il réussira à se désintoxiquer.
Il émerge en février 1954 et réunit un nouveau sextet qui compte notamment le batteur Kenny Clarke et le pianiste Horace Silver. Ensemble, ils posent les bases d'un nouveau style, qui deviendra après le Bebop et le Cool la « troisième vague » du Jazz moderne : le Hard Bop. Réaction contre le Cool Jazz qu'il a lui-même lancé, ce nouveau style plus énergique (sans atteindre les sommets du Bebop) est également plus simple harmoniquement que le Bebop. Il est notamment influencé par le Rhythm and blues, mais aussi par une nouveauté technologique, le disque 33 tours, qui permet des morceaux beaucoup plus longs et développés. Plusieurs morceaux fondateurs du Hard Bop verront le jour sur l'album Walkin': en particulier Walkin' le titre éponyme, mais aussi Airegin (anagramme de Nigéria), Oléo et Doxy composés par Rollins sur l'album Bags' Groove. La même année sort sur ce nouveau format l'album Birth of the Cool, compilation des morceaux enregistrés par le nonet pionnier du Cool Jazz. Devenant dans l'esprit des auditeurs et des critiques un jalon dans l'histoire du jazz moderne, le disque donne un sérieux coup de pouce à la carrière renaissante de Miles. À Noël, il réalise avec Thelonious Monk, Kenny Clarke, Percy Heath et Horace Silver une séance considérée comme essentielle pour le développement de son style propre.
1954 est l'année charnière de Miles Davis. De bon trompettiste, il est devenu un jazzman de génie, passé maître dans l'art du solo, aux répertoires élargis et avec une sonorité reconnaissable entre mille : un son résonnant de la trompette ouverte et un timbre assourdi, introspectif de la sourdine.
Au Newport Jazz Festival de 1955, l'interprétation de Miles Davis de 'Round Midnight, un thème de Thelonious Monk, est saluée par une standing ovation doublée d'un immense succès critique : la carrière du trompettiste, sérieusement mise en péril par ses problèmes de drogue, est définitivement relancée.
Le premier grand quintet
Miles enchaîne disque sur disque en accompagnant Sarah Vaughan, Sonny Rollins, Art Blakey, Horace Silver, Charles Mingus, Theolonious Monk, autant de noms qui jalonnent l’histoire du jazz.
En 1955, quelques mois après la mort de Charlie Parker, Miles Davis fonde le groupe considéré depuis comme son « premier grand quintet », avec John Coltrane au saxophone ténor, Red Garland au piano, Paul Chambers à la contrebasse et Philly Joe Jones à la batterie.
Avec ce groupe, Miles va explorer ses idées musicales du moment, basées notamment sur l'approche du pianiste Ahmad Jamal, qu'il avait commencé à exprimer au début de l'année avec l'album The Miles Davis Quartet. Le quintet deviendra également le premier symbole du talent de découvreur de Davis : l'ensemble de ses membres sont ou deviendront des leaders appréciés, le plus connu étant John Coltrane, dont la réputation deviendra l'égale de celle de Miles. Il parvient, par une étrange alchimie, à une qualité de l'ensemble supérieure à la somme de ses individualités.
Engagé sur Columbia Records, à l'époque la plus importante maison de disques des États-Unis, Miles Davis bénéficie d'un effort de publicité hors du commun dans le jazz, effort dont son ancien label Prestige Records profite pour enregistrer cinq albums: The New Miles Davis Quintet, Cookin', Relaxin', Steamin' et Workin', Miles Davis devant satisfaire ses obligations contractuelles envers Prestige.
En 1957, le groupe sort l'album 'Round About Midnight, qui remporte un grand succès et offre à Davis une image et un confort matériel nouveaux. Le trompettiste devient une figure particulière dans le monde du jazz. C'est également à cette époque que survient un incident à l'origine d'une partie du mythe du musicien : alors qu'il se remet de l'ablation chirurgicale de nodules sur ses cordes vocales, Davis s'emporte contre un organisateur de concerts indélicat, endommageant définitivement sa gorge convalescente. Cette voix ravagée restera le symbole d'un homme qui refuse de se laisser marcher sur les pieds, y compris par les puissants. Refusant la vie très difficile des musiciens de jazz, il obtient pour son groupe et lui-même une augmentation significative des cachets, ainsi qu'une norme de trois sets par soirs au lieu des quatre qui sont la norme depuis toujours.
Mais malgré le succès, l'ambiance au sein du groupe est parfois tendue, notamment entre Miles Davis et John Coltrane, Davis supportant mal la toxicomanie du saxophoniste. En avril 1957, après en être venu aux mains, le trompettiste renvoie Coltrane du groupe. Ce dernier est alors invité par Thelonious Monk à rejoindre son orchestre. Se libérant de son addiction grâce à une cure personnelle, Coltrane passe plusieurs mois dans la formation de Monk avant de retrouver Miles Davis.
Kind of Blue et le jazz modal
À la fin des années 1950, Miles Davis continue son évolution musicale, se nourrissant de plusieurs engagements parallèles à sa carrière de leader de groupe : une participation fin 1956 au projet de la Jazz and Classical Music Society de Gunther Schuller, visant à réunir jazz et musique classique en un « troisième mouvement » (Third Stream) et la composition de la bande originale du film Ascenseur pour l'échafaud de Louis Malle en 1957.
En 1958, Miles Davis enregistre Milestones, son quintet devient alors sextet avec l'apparition de Cannonball Adderley au saxophone alto. Cet album introduit les premiers éléments de musique modale, en particulier dans le morceau éponyme. Quelques jours plus tard, il participe, sous la direction de Cannonball Adderley, au superbe album Somethin' Else : c'est une de ses rares séances en tant que sideman. L'album comprend notamment une remarquable version d'Autumn Leaves. Parallèlement, il poursuit sa collaboration avec Gil Evans et crée des albums orchestraux qui connaîtront un important succès critique et commercial : Miles Ahead (1957), Porgy and Bess (1958) et Sketches of Spain (1959-1960).
En 1959, Miles Davis signe son chef-d'œuvre avec Kind of Blue, un album improvisé autour de trames qu'il a composées. On trouve des modifications de formations par rapport au sextette de Milestones. Miles Davis est à la tête d’un sextette avec, entre autres, John Coltrane, Cannonball Adderley (saxophones), et Bill Evans (piano). On y retrouve des compositions comme So what ou All blues qui sont depuis devenues des standards du jazz. Le pianiste Bill Evans, plus apte à suivre les orientations modales du leader, remplace Red Garland et Jimmy Cobb prend le fauteuil de batteur à Philly Joe Jones. Le pianiste Wynton Kelly est invité sur le titre bluesy de l'album Freddie Freeloader, nouvelle preuve que rien n'a été laissé au hasard pour la réalisation de cet album.
La nouveauté apportée par ce disque est l’utilisation de longs accords qui tapissent les morceaux. C’est ce qu’on appelle le jazz modal. Une fois de plus, Miles Davis expérimente, lance des courants qui révolutionnent les pratiques musicales du jazz.
Ce dernier est considéré comme le chef-d'œuvre du jazz modal et l'un des meilleurs disques de jazz jamais enregistrés.
1960-1968 : le second grand quintet
En mars 1960, Miles tourne en Europe avec Coltrane, Wynton Kelly au piano, le fidèle Paul Chambers à la contrebasse et Jimmy Cobb à la batterie. Ils donnent notamment un concert mémorable à l'Olympia de Paris le 21 où Coltrane est hué par une bonne partie du public irrité (!) par ses explorations audacieuses. C'est à Baltimore, en avril, que Coltrane officie pour la dernière fois au sein du groupe de Miles Davis qu'il quitte définitivement.
Miles retourne en Europe et à l'Olympia en octobre, en compagnie du saxophoniste parkérien Sonny Stitt. Le jeu de Miles se montre plus agressif et aussi plus proche d'un hard bop orthodoxe. Le mélodieux Hank Mobley tiendra le difficile rôle de remplaçant de Trane à partir de 1961 alors que Wynton Kelly est le pianiste du groupe. On peut l'entendre dans quelques titres de l'album Someday My Prince Will Come et dans les disques live Miles Davis In Person: Friday Night & Saturday Night at the Blackhawk.
C'est aussi à cette époque qu'apparaît le free jazz, genre musical que Miles critique de manière particulièrement virulente, tout en s'entourant petit à petit, de manière nettement plus discrète, de musiciens fortement influencés par ce courant musical : sa nouvelle rythmique est composée de Herbie Hancock (piano), Ron Carter (contrebasse) et du très jeune à l'époque Tony Williams (batterie). Ces musiciens apparaissent pour la première fois aux côtés de Miles sur l'album Seven Steps to Heaven (1963). Ils forment avec le trompettiste l’un des groupes les plus marquants de l’histoire du jazz. Intrusion du modal, variations vertigineuses du tempo, dissonances…
Miles et son groupe partent de nouveau en tournée en Europe en juillet 1963, puis se produisent au Lincoln Center de New York le 12 février 1964. Un concert qui sera publié sous forme de deux disques Four & More et My Funny Valentine. En juillet, le saxophoniste Sam Rivers, très proche du free jazz, remplace George Coleman. Il va participer avec le groupe à une tournée au Japon. Après le départ de Coltrane , Miles cherche le saxophoniste qui saura redonner l'élan nécessaire au renouvellement de son oeuvre : se succèdent de façon éphémère Jimmy Heath, Hank Mobley, Rocky Boyd, Frank Strozier et Sonny Rollins.
C'est en septembre 1964 que le saxophoniste, compositeur et arrangeur Wayne Shorter, qui avait déjà officié au sein des Jazz Messengers de Art Blakey, rejoint le groupe. Miles trouve enfin le saxophoniste qui va mener sa musique vers de nouveaux sommets. Shorter prend rapidement un rôle prépondérant dans l'élaboration de la musique du quintet. Herbie Hancock a expliqué cette transformation : « Dans le quintet, à partir du moment où Wayne Shorter est arrivé, on s'est consacré à un travail de couleurs, aux accords substitués, aux phrasés et surtout à l'utilisation de l'espace, c'est-à-dire au placement des notes que l'on jouait par rapport à ce que jouaient les autres musiciens du quintet. »
Miles éprouve quelques difficultés pour s'adapter à la vivacité de ces jeunes musiciens mais cette prise de risque n'est pas la première dans la carrière de Miles et montre sa capacité à réinventer sans cesse son style.
Peu après sa création, le quintet part en tournée en Europe. Il enregistre son premier disque studio ESP en janvier 1965. En décembre, le passage au club de Chicago le « Plugged Nickel » est enregistré. Alors que les albums studios sont constitués uniquement de compositions originales, le groupe reprend les standards du répertoire de Miles Davis (All of You, My Funny Valentine...) en concert. Lors de ces concerts, on entend le groupe à son meilleur. Shorter y montre toutes ses qualités de soliste et la section rythmique brille par sa cohésion et son inventivité prodigieuses.
En octobre 1966, le groupe enregistre, ce que beaucoup considèrent comme son chef-d'œuvre, l'album Miles Smiles. Suivent en 1967, les albums Sorcerer et Nefertiti et en 1968, Miles In The Sky et Filles de Kilimanjaro.
1968-1975 : Electric Miles
Alors que le rock et le funk se développent, Miles Davis va initier l'essor d'un jazz de style nouveau, fusionnant le son électrique de la fin des années 1960 avec le jazz. Ce nouveau style, déjà ébauché sur les derniers albums du quintet, s'affirme de manière fracassante avec les albums In a Silent Way (1969) et surtout Bitches Brew (1970). Miles s'entoure de jeunes musiciens qui seront bientôt les chefs de file du jazz fusion tels le guitariste britannique John McLaughlin et le claviériste d'origine autrichienne Joe Zawinul. L'apport de l'électricité s'accompagne d'une approche encore plus ouverte de l'improvisation. Donnant aux musiciens de simples esquisses de thèmes, il leur offre une plus grande liberté dans l'improvisation. Ces deux albums voient aussi le producteur Teo Macero prendre une place centrale dans le processus de création. Les morceaux ne sont plus enregistrés d'un seul tenant, l'album devient le résultat d'un collage d'extraits des prises de studio. Avec ces deux albums, Miles Davis provoque une vraie révolution dans le monde du jazz et rencontre un vrai succès populaire. Bitches Brew se vend à plus de 500 000 exemplaires.
À la suite des séances de Bitches Brew, Miles ajoute à son groupe des sitars et des tablas. Les titres issus de ces séances (Great Expectations, Orange Lady, Lonely Fire) ne seront publiés qu'en 1974 dans l'album Big Fun. À partir de 1970, la musique de Miles est de plus en plus marquée par le funk. Pour Miles Davis, le funk, porté par James Brown et Sly & The Family Stone, est la nouvelle musique du peuple noir au contraire du blues qu'il déclare « vendu aux Blancs ». Le virage électrique est motivé à la fois par des raisons artistiques et commerciales.
Pour l'enregistrement de A Tribute to Jack Johnson, Miles pense à Buddy Miles, le batteur du Band Of Gypsys de Jimi Hendrix, mais ce dernier ne vient pas à la séance. Il est remplacé par Billy Cobham, qui forme avec Michael Henderson la section rythmique du groupe dont le son est dominé par la guitare de John McLaughlin. Malgré une promotion désastreuse de Columbia, le disque (sorti le 24 février 1971) est pourtant devenu un classique du jazz rock. John Scofield dira par la suite de cet album qu'il « avait sans aucun doute un feeling rock, même si c'était aussi du jazz du plus haut niveau. »
Le 29 août 1970, il participe à l'historique Festival de l'île de Wight. Le groupe, un des meilleurs de toute sa période électrique, est constitué de Gary Bartz aux saxophones soprano et alto, Chick Corea et Keith Jarrett aux claviers, Dave Holland à la basse, Jack DeJohnette à la batterie et Airto Moreira aux percussions. Il joue en outre cette même année de nombreuses fois au Fillmore East de New York et au Fillmore West de San Francisco.
Du 16 au 19 décembre, Miles enregistre son groupe dans un club de Washington, le Cellar Door, avec Keith Jarrett, Jack DeJohnette, Airto Moreira, Gary Bartz et Michael Henderson. L'arrivée de ce dernier est déterminante. Ancien musicien de studio pour Motown et membre du groupe de Stevie Wonder, il n'est pas un jazzman de formation. Son style funky, basé sur des lignes de basse répétitives est déterminant dans l'évolution de la musique de Miles, avec lequel il restera jusqu'en 1975. Ces enregistrements constitueront le cœur de l'album Live Evil, publié le 17 novembre 1971 (sur lequel est présent McLaughlin, qui avait rejoint le groupe à la demande de Miles le dernier soir). En octobre-novembre 1971, il effectue une tournée en Europe.
Miles Davis fut le premier à utiliser des instruments amplifiés dans le jazz. La guitare hendrixienne de John McLaughlin, la basse agressive de Dave Holland, les claviers stridents de Chick Corea ou Joe Zawinul composent autour de lui un environnement anguleux et trépident. La batterie implacable de Billy Cobham, Jack DeJohnette ou Al Foster, des percussions africaines, indiennes, brésiliennes complètent ce foisonnement de sons et de rythmes d’une sauvagerie inouïe : musique tribale joyeusement désespérée de la jungle urbaine, souverainement dominée par la trompette de Miles Davis.
Nombre des musiciens l’ayant côtoyé à ce moment-là ont formé par la suite des groupes célèbres de fusion : citons les Head Hunters de Herbie Hancock, le Mahavishnu Orchestra de John McLauglin, Weather Report de Joe Zawinul ou encore le Return To Forever de Chick Corea. Tous ont une dette envers lui.
Miles Davis a cette capacité unique de bien s’entourer et de révéler à eux-mêmes le potentiel maximum des musiciens qu’il s’est choisi. Dave Holland, John McLaughlin, les pianistes Joe Zawinul, Chick Corea et même Keith Jarrett passeront dans son groupe (et c’est bien la seule fois où l’on peut entendre Keith Jarrett jouer sur des pianos électriques), c’est dire sa force de persuasion et d’attraction !
L’intérêt de Miles pour l’univers du rock le pousse à rencontrer Jimi Hendrix. Un projet de disque est envisagé mais ne verra jamais le jour pour cause de disparition précoce du guitariste de légende. Son vieux complice Gil Evans lui arrangera un opus constitué de compositions de Jimi Hendrix.
D’intimiste et allusif, le jeu de Miles Davis est passé à une dramatique extase solitaire. Dans ses enregistrements qui datent du début et milieu des années 1970, et particulièrement dans la musique qu’il a composée pour le film Jack Johnson, il dresse de larges et lancinantes tapisseries de sons fragiles, ténus, coupants, qui sont la synthèse de toutes ses expériences. Il ne se passe presque rien, il n’y a presque plus de mélodies. Les phrases davisiennes très répétitives, mais fascinantes comme les reflets d’un joyau, sont sans mouvement apparent, mais la manière dont elles sont jouées, dont elles sonnent, dont elles dialoguent avec les guitares, saxophones et autres pianos électriques est d’une beauté inquiète et pour certains irrésistible.
En 1972, paraît l'ambitieux On The Corner qui tente « de faire groover ensemble Sly Stone et Stockhausen » ! On The Corner et Big Fun eurent du mal à trouver leur public à l'époque. Rejetés par la plupart des critiques de jazz, ils ne parviennent pas non plus à séduire la jeunesse noire. Ils sont aujourd'hui considérés comme d'authentiques chefs-d'œuvre du jazz-funk. Durant cette période, Miles utilise la pédale wah-wah pour distordre le son de sa trompette. Son jeu est plus axé sur l'aspect rythmique. La période dite « électrique » de Miles fait exploser les codes classiques du jazz, à savoir « exposition du thème - soli - réexposition du thème ». Toutefois, il conserve une démarche jazz et ce à deux niveaux : la recherche constante d'une nouvelle approche de la musique (déstructuration - restructuration) et la part belle faite à l'improvisation.
En 1973, son groupe se stabilise autour de la formation suivante : Dave Liebman au saxophone et à la flûte, Reggie Lucas et Pete Cosey aux guitares, Michael Henderson à la basse, Al Foster à la batterie et James Mtume Foreman aux percussions. Reggie Lucas se charge des parties rythmiques alors que Pete Cosey, dont le jeu est très influencé par celui de Jimi Hendrix, joue la majorité des soli (il joue aussi des percussions). Le groupe se produit au Japon en juin, puis le 8 juillet 1973, il joue pour la première fois sur la scène du Montreux Jazz Festival. Miles Davis se rend ensuite en France, en Suède, en Allemagne et en Autriche. Les concerts des 20 juin (Tokyo), 8 juillet (Montreux), 27 octobre (Stockholm) et 3 novembre (Vienne) seront filmés professionnellement : ils constituent les derniers témoignages vidéo du groupe de Miles avant sa retraite.
Le 30 mars 1974, Miles joue sur la scène du Carnegie Hall de New York. Le surprenant guitariste hendrixien Dominique Gaumont et le saxophoniste Azar Lawrence sont invités lors de ce concert : l'album s'appellera Dark Magus.
En 1974 paraissent les doubles albums studio Big Fun et Get Up With It regroupant différentes sessions du début des années 70.
Le 1er février 1975, Miles Davis donne deux concerts à Tokyo qui paraîtront sous la forme de deux doubles albums : Agharta et Pangaea. Sonny Fortune y remplace Dave Liebman. Ces disques sont la parfaite conclusion de cette période créatrice très riche. En 1975, Miles Davis quitte la scène pour des motifs de santé.
1981-1991 : Le retour
Alors qu’il est au sommet de sa popularité, divers problèmes médicaux le font s’éloigner de la scène pendant six ans. Miles Davis revient au début des années quatre-vingt avec une nouvelle génération de musiciens – dont Marcus Miller, Kenny Garrett, John Scofield - et un son en prise avec son époque, mâtiné de funk, de technologie et de groove. L’album The Man with the Horn marque son retour.
Au cours des années 1980, il enregistre des albums de jazz-rock fusion très funk avec des groupes qui, selon sa bonne habitude, sont formés de jeunes inconnus qui feront carrière (Marcus Miller, John Scofield, Darryl Jones, Mike Stern, Mino Cinelu, etc.). À partir de ce moment, Miles Davis sera aussi un « initiateur », un « passeur » qui permettra à de nombreux amateurs de musique plus « rock » de découvrir la beauté d'un silence, d'une respiration au sein d'une harmonie gorgée d'émotions et d'énergie. Grâce à lui, le jazz, terme qu'il trouvait de plus en plus restrictif, pouvait toucher un public plus large et continuer ainsi à se renouveler.
Le double album Live We Want Miles, publié en 1982, présente le nouveau groupe de scène de Miles Davis. Le premier titre, Jean Pierre deviendra un véritable classique au fil des ans. Cet album reçoit un grand succès, couronné par un Grammy Award en 1983. L'album Star People, publié l'année suivante, est un album improvisé en studio et dédié au funk et au blues.
Miles Davis, assisté par Marcus Miller, bassiste polyinstrumentiste, et du saxophoniste Bill Evans enregistre ensuite des albums au son plus moderne à partir des synthétiseurs numériques alors en vogue, en utilisant le séquenceur et l'échantillonnage, comme Decoy (1984) ou You're Under Arrest l'année suivante,.
Miles Davis a récupéré à son profit les rythmes binaires qui se sont complexifiés avec le temps et l’expérience. Il ne fait en réalité que fructifier et prolonger le son qu’il a forgé dans les années 1970. Comme Picasso avait ses périodes en peinture, Miles Davis a eu ses périodes en musique. Désormais, il empruntera à la variété ses modes et ses rites. Il reprend des succès commerciaux et les rejoue « à sa sauce » : par exemple, Human Nature de Michael Jackson, Time After Time de Cyndi Lauper ou bien Perfect way du groupe Scritti Politti. Il collaborera avec ce groupe en apparaissant sur leur titre « Oh Patti ! ». Certaines personnalités du rock, tel Sting, comptent parmi ses plus fervents admirateurs.
En 1986, Miles Davis quitte Colombia Records pour la Warner et publie Tutu, un album qui rencontre un succès public très important. Aucune composition du trompettiste ne figure pourtant sur le disque : n'ayant pas obtenu les droits de ses propres compositions avec ce nouveau contrat, Miles Davis refuse d'enregistrer son propre matériel et a recours notamment aux services de Marcus Miller, dont le style imprègne Tutu, mais aussi l'album suivant, Amandla, publié en 1989.
À la fin des années 1980, Davis collabore également avec Prince, mais à ce jour pratiquement aucun enregistrement studio n'a émergé de ces sessions. Dans son dernier album, posthume, Doo-bop, sorti en 1992, Miles Davis collabore avec des musiciens de hip-hop qui apportent la section rythmique et des chanteurs de rap.
Le 28 septembre 1991, Miles Davis meurt à l'âge de 65 ans à l'hôpital St John de Santa Monica près de Los Angeles où il était entré pour un bilan médical complet suite à de multiples ennuis de santé. Il est enterré au cimetière de Woodlawn de New York.
Un musicien mythique
Avec Louis Armstrong, Miles Davis est certainement à ce jour le musicien de jazz le plus connu par le plus grand nombre. Sa renommée s’étend au-delà du petit cercle d’amateurs de jazz et en fait une star mondiale de notre patrimoine musical. Il aura marqué l'histoire du jazz et de la musique du XXe siècle.
Le génie de Miles Davis peut se résumer en trois points : un son original dans un environnement très structuré, une conception évolutive de la musique dans des directions déterminées et une capacité à s'entourer à cette fin de musiciens dont il savait tirer le meilleur.
Il fut à la pointe de beaucoup d'évolutions dans le jazz et s'est particulièrement distingué par sa capacité à innover sans cesse, à défricher de nouveaux territoires sonores et à révéler de nouveaux talents. Miles Davis, c’est avant tout un son inimitable, une grande sensibilité musicale, un style retenu, d’une fragile sérénité, reconnaissable entre tous.
Les différentes formations de Miles Davis sont comme des laboratoires au sein desquels se sont révélés les talents de nouvelles générations et les nouveaux horizons de la musique moderne : Sonny Rollins, Julian « Cannonball » Adderley, Bill Evans et John Coltrane durant les années 1950, puis Herbie Hancock, Wayne Shorter, Chick Corea, John McLaughlin, Keith Jarrett, Tony Williams, Joe Zawinul, Dave Liebman, John Scofield, Kenny Garrett et d’autres. Nombre de musiciens passés par ses formations de 1963 à 1969 forment ensuite les groupes emblématiques du jazz-rock fusion, notamment Weather Report, animé par Wayne Shorter et Joe Zawinul, Mahavishnu Orchestra de John McLaughlin, Return to Forever de Chick Corea, ainsi que les différents groupes de Herbie Hancock.
Que retiendra-t-on musicalement de tout son parcours ? Plusieurs choses : d’abord sa pâte sonore, unique en son genre. Virtuose de la non virtuosité, maître du silence et de l’allusion, du non-dit et de la note fantôme, du dérapage et de la brisure comme marques stylistiques, à la fois inventeur et vampire de toutes les tendances, Miles Davis a réussi à échapper à tout étiquetage. Il transcende les genres et accède par là-même au statut de superstar bien au-delà des amateurs traditionnels de jazz. Nombreux sont les musiciens actuels, tous styles confondus, à se réclamer de lui, de son influence toujours féconde. On peut citer, à titre d’exemple représentatif, les trompettistes Eric Truffaz ou Nils Peter Molvaer, issus tous deux de la scène électronique, mais également Paolo Fresu.
Plusieurs vidéos ici.
Miles Davis Kind Of Blue – Enregistré les 2 mars et 6 avril 1959 au Columbia 30th Street Studio – New York City – Columbia Records
Miles vient de rencontrer un grand succès commercial avec Miles Ahead (1957) et Porgy & Bess (1958), deux disques enregistrés en grand ensemble sous la direction de l’arrangeur Gil Evans. Mais, en ce début d’année 1959, Miles Davis aspire à réintégrer le studio de la 30th Street avec une formation réduite. Il sait que son sextet est prêt maintenant à donner corps à son projet d’album entièrement basé sur la libre interprétation et les principes de la modalité.
Miles Davis couvre alors un large spectre théorique et pratique de cette forme d’improvisation basée sur un minimum d’accords mais dont les variations sont innombrables. Il ne lui reste plus qu’à confirmer son ambition et ce sera chose faite les 2 mars et 6 avril 1959 avec l’enregistrement de Miles Davis Kind Of Blue ou la quintessence du jazz modal. En deux séances et cinq titres, Miles va marquer à jamais l’histoire de la musique moderne.Sous la direction du producteur Irving Townsend, il investit le studio accompagné de son sextet habituel dont Wynton Kelly est désormais le pianiste attitré. L’idée est de créer une œuvre entièrement basée sur l’approche modale en limitant les changements d’accords, en jouant sur les variations au sein d’une même gamme, en accompagnant le tout de motifs rythmiques itératifs.
Le trompettiste prévoit ensuite que chaque musicien improvise des gammes selon sa propre inspiration. Pour Davis cette approche audacieuse oblige les protagonistes à être créatifs car il y a finalement peu de repères harmoniques : la liberté est à ce prix.
Miles ne peut se résoudre à mener à bien son projet sans la présence de Bill Evans qui, de tous les pianistes de sa galaxie, est le plus à même de donner corps à ses lubies. Il le rappelle donc pour l’occasion et Evans accepte l’invitation. Le jour de la première séance, Wynton Kelly est donc surpris et vexé de voir son prédécesseur assis devant le piano. Pour lui signifier qu’il fait tout de même partie de l’aventure Kind Of Blue, Davis confie à Kelly le Steinway sur le blues « Freddie Freeloader ». Le reste des parties de piano sera assuré par Evans.Pour plus de spontanéité et de fraîcheur dans l’exécution, Miles n’a préalablement rien écrit. Pour seuls préliminaires, il stimule ses partenaires par quelques ébauches de gammes qu’il a imaginées. Les arrangements n’apparaissent dans sa tête que quelques heures avant son entrée en studio. Les directives viennent ensuite oralement, juste avant la séance et même pendant son déroulement. Pour le reste, les musiciens ont carte blanche.
Pour autant et contrairement à la légende Kind Of Blue ne fut pas capté en une seule et unique prise. La réalité veut que plusieurs takes furent nécessaires à certains morceaux. Un nombre conséquent de faux départs, d’incidents techniques et de fausses notes perturbera l’immédiateté de l’interprétation et obligera les musiciens à réitérer.
En revanche, dès qu’une captation complète est en boîte, il ne vient à personne l’idée de refaire une prise. Seul « Flamenco Sketches » peut se targuer de compter une deuxième version finie. Le reste des rebuts de studio sont simplement des départs avortés peu exploitables.
L’ensemble des compositions est attribué à Miles Davis, ce qui laisse croire qu’il serait le seul géniteur de la matière de Kind Of Blue. Là aussi, la réalité est plus nuancée. Le débat résonne encore aujourd’hui sur la paternité des morceaux. Bill Evans revendiquera toujours l’élaboration commune de « Blue In Green » et de « Flamenco Sketches ».
Le batteur Jimmy Cobb lui donne d’ailleurs raison et admet à l’historien et journaliste musical Ashley Kahn: « En fait, une grande partie de ce truc Kind Of Blue a été composée en conjonction avec Bill Evans ».
Miles niera longtemps mais avouera à la fin de sa vie à Ben Sidran que « Blue In Green » appartenait bien au pianiste. Ajoutant au passage que « c’est la conception du piano d’Evans qui a donné son cachet à Kind Of Blue ».Le nom de Gil Evans revient aussi au moment d’aborder l’élaboration de l’album. C’est en effet le célèbre arrangeur qui aurait signé le riff introductif de « So What », et également retravaillé le morceau « All Blues » pour l’adapter à cet enregistrement studio. Quel que fut le rôle des uns ou des autres, le résultat est de toute façon une prodigieuse réussite.Le disque s’ouvre avec son morceau le plus célèbre: « So What ». Après un préambule pianistique recueilli, le groove se met en place au rythme de la basse à qui est rarement dévolu de la sorte l’exposé d’un thème. Pianiste et souffleurs prolongent en chœur le refrain comme si leur instrument était une extension de la voix humaine qui rétorquerait à Chambers un « soooo what? » (expression qui revenait souvent dans la bouche de Miles selon les témoins de l’époque). À l’image d’autres grands succès comme « Take Five » de Dave Brubeck ou « Cantaloupe Island » de Herbie Hancock, la transparence des notes introductives de « So What » est directement imprimée par l’auditeur et se fredonne ainsi naturellement.
Un break de Cobb ouvre ensuite la voie à Miles qui improvise sur le thème. Plus loin, Coltrane est profondément concentré au moment d’attaquer son chorus; il n’est pas encore rompu aux exigences modales et doit s’appliquer. Il profite ainsi de la relative lenteur du tempo pour étendre patiemment ses motifs vers l’aigu dans un souci mélodieux constant.À sa suite, le solo exubérant et décomplexé d’Adderley affiche un contraste assez net, tandis que celui de Bill Evans revient à plus de sobriété. Le morceau se termine, comme il avait commencé, par la ligne de basse de Chambers et des répliques pianistique et soufflée. « So What » résume significativement les fertiles disparités de Kind Of Blue, nées des multiples tons de chacun des musiciens.
Cette diversité est aussi visible sur « Blue In Green », mais n’entache évidemment pas la cohésion du morceau. Au contraire, le vent étouffé qui sort du pavillon de Miles évite l’écueil tragique grâce aux subtiles interventions de Bill Evans. Coltrane d’un souffle languissant et Cobb de ses caressants balais étendent ensuite le spectre des émotions en distillant lentement une délicate nostalgie.
« Blue In Green » se passe logiquement de l’alto de Julian Adderley, sans doute trop remuant pour une composition si sentimentale. Le morceau est un parfait exemple d’improvisation libre basée sur de succincts enchaînements d’accords, mais sans motif thématique clair.Un blues plutôt enjoué, au regard de l’ambiance générale du disque, complète cette première séance du 2 mars : « Freddie Freeloader ». Cette « gaieté » est à mettre au crédit de Wynton Kelly qui tempère à bon escient la solennité qu’impose Bill Evans dont il a repris le siège.
Pour sa part, Miles ne dévie pas de son timbre désenchanté, mais est judicieusement contrebalancé par le groove rafraîchissant qu’instille le pianiste. L’entrée de Coltrane est surpuissante. On imagine l’ingénieur du son obligé de baisser le niveau de son micro. À son aise, rapide, libre, rieur même, le saxophoniste assure sa partie de main de maître.
En attendant la deuxième séance du 6 avril, le sextet profite de la latence pour se produire à l’Apollo, puis enregistrer une émission télévisée, The Robert Herridge Theatre Show, en compagnie du grand orchestre de Gil Evans avec une belle version de « So What ».De retour en studio pour la seconde séance, le sextet entame « Flamenco Sketches » qui est sans doute le morceau le plus marquant du disque. À coup sûr, c’est le plus modal et celui dont l’approche est la plus linéaire avec ses formules répétées par chacun des solistes.
D’autre part, il ressort à l’écoute un timbre hispanique évident. L’utilisation du mode phrygien, typique des musiques ibériques et donc du flamenco, confirme cette impression et provoque un certain dépaysement, non pas tout au long du morceau mais çà et là, subtilement dosé.
Chambers et Evans ouvrent ensemble le bal puis Miles enchaîne, flottant et serein. Coltrane semble, quant à lui, complètement absorbé par son chorus. Il brille par son éloquence et son pouvoir d’évocation, qu’il semble aller chercher au plus profond de lui. Quand sa prestation se pare justement de cette patte ibérique, Coltrane est même touché par la grâce et son souffle devient déchirant.Ashley Kahn loue « la subtilité et la profondeur émotionnelle du solo de John Coltrane » comme « un sommet improvisationnel de Kind Of Blue » avec « ses tendres nuances qui préfigurent l’intensité spirituelle de ses futurs enregistrements ». Il est ici facile de faire le rapprochement par exemple avec « Olé » qui sortira deux ans plus tard sur Palbum du même nom, ne serait-ce que pour la référence hispanique, mais surtout pour l’identique acuité qu’affiche le saxophoniste. Comment mieux résumer sa participation à « Flamenco Sketches » que par la conclusion de Kahn :
« Il est impossible de rester indifférent à sa passion immaculée ». Adderley puis Evans réitèrent de leurs instruments respectifs les mêmes suites et se montrent eux aussi hyperinspirés. Tout au long de « Flamenco Sketches », les changements de gamme sont réguliers et marqués par Cobb et surtout Chambers. In fine, le morceau est un idéal mélodique et rythmique, sommet de la modalité made in Miles Davis.« All Blues » achève la séance. L’introduction s’articule autour d’un riff concis et répété de Paul Chambers qui expose le thème (il reproduira ce geste pendant les onze minutes du morceau!), et d’un trémolo à suspense de Bill Evans. Les deux saxophonistes reprennent les notes de Chambers avec Miles Davis planant au-dessus d’eux. Bill Evans développe à son tour cette récurrence thématique1 derrière l’expressif solo de Miles. Le timbre du trompettiste est aussi superbement mis en relief par les baguettes et les balais de Jimmy Cobb. Evans se distingue ensuite en prolongeant la tenue de ses notes et en laissant beaucoup d’espaces aux deux saxophonistes.
Sur « All Blues » en particulier, il est difficile de distinguer qui d’Adderley ou de Coltrane prend les second et troisième solos, tant leurs jeux se confondent; les premières notes de saxophone pourraient laisser croire qu’il s’agit de Coltrane, mais la hauteur et la frivolité qui s’en dégagent sont bien ceux de l’alto. Cannonball, à l’aise dans ce registre bluesy (n’est-ce pas pour cela que Miles l’a choisi?), se déploie avec décontraction.
Coltrane sème quant à lui des notes allongées en oscillant entre les différents registres de son instrument. Il inonde l’espace d’une étonnante sérénité et même ses silences ont quelque chose de tranquillisant. Imperturbable, Evans achève magnifiquement le cycle des chorus avant un retour, comme à l’accoutumée, au motif introductif où les voix d’Adderley et de Coltrane coïncident à nouveau, pendant que Miles s’élève et ondule jusqu’à vaciller.Bill Evans reprend son allitération, Chambers finit de malmener ses cordes et Cobb sa caisse claire: tout ce petit monde peut aller se délasser avec le sentiment légitime du devoir accompli; cette seconde séance est une réussite, peut-être plus encore que la première car le sextet boucle rapidement le programme fixé. Nul départ infructueux, la première mèche allumée est la bonne pour chacun des deux titres. Ainsi s’illustre toute la spontanéité du sextet, à l’image de Coltrane qui a trouvé son espace dans la musique de Miles :
« En fait, grâce à la netteté et à la liberté des lignes dans sa musique, j’ai trouvé facile d’appliquer les idées harmoniques qui me taraudaient. J’ai pu empiler les accords […]. De cette façon, je pouvais jouer trois accords en un seul. Mais d’un autre côté, si je le voulais, je pouvais jouer mélodiquement. La musique de Miles m’a donné une grande liberté. C’est un magnifique concept ».
Un concept, il est vrai magnifique, auquel sa contribution est, en tout état de cause, inestimable.
Source : http://www.musiqxxl.fr/miles-davis-in-a-silent-way/
Avec In a Silent Way, entouré par une pléiade de musiciens exceptionnels, Miles Davis intègre pour la première fois des éléments de rock et s’éloigne à jamais du jazz pur. Un ovni sidérant.
Le 18 février 1969, au début de l’après-midi, une troupe de musiciens sort du studio d’enregistrement B, situé au deuxième étage de l’immeuble de CBS. Les sentiments qui règnent chez les membres du groupe réunis pour l’occasion vont de la colère à l’incompréhension.
En surface, la session s’est déroulée dans la quiétude. Malgré les gros ego rassemblés dans la même pièce, aucun incident ou écart n’est à déplorer. Pourtant, dans les têtes, ça cogite. Parmi les jazzmen relativement expérimentés conviés à l’enregistrement, le plus abasourdi est le guitariste John McLaughlin.
A 27 ans, le virtuose anglais a déjà de la bouteille. Dans son pays, celui qui a été professeur de Jimmy Page – le futur Led Zep avait 17 ans, McLaughlin, un an de plus – a déjà joué avec les plus grandes pointures, tels le bluesman Alexis Korner ou Ginger Baker et Jack Bruce avant qu’ils ne forment Cream avec Eric Clapton.
Depuis qu’il est arrivé à New York deux semaines plus tôt, il a été pris sous l’aile du phénoménal batteur Tony Williams. Pourtant, capable de jouer tous les styles de musique, McLaughlin a vu en quelques heures ses certitudes ébranlées. On vient de lui demander de jouer comme s’il n’avait jamais touché de guitare !
Dans le couloir, il s’approche d’Herbie Hancock et ose lui demander, à voix basse : “Herbie, je ne sais pas quoi dire… ça valait quelque chose ce que l’on vient de jouer ? Je veux dire, qu’est-ce que l’on vient de faire ? Je ne comprends rien à ce qui se passe.” Hancock, un des trois claviers présents avec Chick Corea et Joe Zawinul, le rassure : “Bienvenue dans une session de Miles Davis. Je me pose la même question. Je n’en ai aucune idée mais, d’une manière ou d’une autre, quand les disques sortent, ils sonnent bien.”
En trois heures et demie de session, à l’insu des autres acteurs mais aussi grâce à eux, le trompettiste Miles Davis vient de révolutionner le jazz et de bouleverser l’histoire de la musique.
Ce n’est pas la première fois (ni la dernière) qu’il réalise un tour de magie, mais le résultat de cette session, In a Silent Way, appartient à ses tours les plus réussis, les plus radicaux et novateurs. En revanche, la gestation de cet album n’a laissé place à aucun truc ou astuce.
In a Silent Way, qui sortira en juillet 1969, concrétise un cheminement intellectuel entrepris par Miles depuis l’année précédente.
“1968 fut une année de changements, se souviendra-t-il dans Miles, autobiographie cosignée avec Quincy Troupe. Ceux qui intervenaient dans ma musique étaient passionnants, la musique qui se faisait un peu partout était incroyable. Des choses qui m’ont conduit tout droit vers le futur, vers In a Silent Way.”
Depuis l’année précédente, Miles veut muscler sa musique, l’électriser et lui donner des jambes. Il s’est en effet mis à écouter le funk de James Brown, la pop groovy de Sly & the Family Stone et le rock’n’roll de Jimi Hendrix. Ces pôles d’attraction sonores vont le pousser à modifier son approche et surtout le groupe qui l’accompagne.
Une équipe de rêve
Pendant les quatre dernières années, il a pu s’exprimer grâce à un incroyable quintet constitué du prodige Tony Williams à la batterie, Herbie Hancock au piano, Wayne Shorter au saxophone soprano et le contrebassiste Ron Carter.
A la fin de l’année 1968, l’état de grâce a pris fin. Ses sidemen nourrissent de légitimes envies d’ailleurs et de carrière solo. Le quintet se désintègre définitivement quand Ron Carter refuse de passer à la basse électrique. De toute façon, pour Miles, aucune formation n’est éternelle. Il a régulièrement besoin de sang frais, d’idées neuves et de nouveaux venus à vampiriser.
Dans les derniers mois de 1968, Miles recrute d’abord le bassiste tchécoslovaque Miroslav VitouŠ, mais c’est l’Anglais Dave Holland qu’il a véritablement casté pour aller au bout de sa vision, celle d’un jazz à l’énergie et aux textures rock. Une autre de ses recrues d’importance est le clavier autrichien Joe Zawinul.
Celui-ci a rejoint huit ans plus tôt le groupe du saxophoniste Cannonball Adderley – un proche de Miles qui a participé à Kind of Blue – et a notamment composé pour lui le tube Mercy, Mercy, Mercy à la mélodie mémorable. C’est justement son sens de la mélodie qui intéresse Miles. Déjà, en novembre 1968, il a enregistré en la présence de Joe Zawinul deux de ses compositions, Ascent et Directions. Quand Zawinul lui fait découvrir son morceau In a Silent Way, Miles manifeste aussitôt le souhait de l’enregistrer sur son prochain disque. Ce qui survient donc le 18 février 1969.
Joe reçoit un coup de téléphone du trompettiste, qui le convie chez Columbia et le prie d’apporter avec lui la partition d’In a Silent Way. A 11 heures 30, ils sont huit à entrer en studio : Miles Davis, Wayne Shorter, Joe Zawinul, Herbie Hancock, John McLaughlin, Dave Holland, Chick Corea et Tony Williams.
Tout se passe bien, le groupe se met à répéter les quatre compositions sélectionnées par Miles Davis – In a Silent Way, Shhh, Peaceful et It’s About That Time –, les trois claviers se complètent. Mais quand arrive l’enregistrement du morceau In a Silent Way, Miles Davis impose une contrainte de dernière minute dont il a le secret – pendant l’enregistrement de Kind of Blue, il avait imposé des compos que les autres ne connaissaient pas.
Cette fois-ci, il demande à tous d’oublier les accords de Zawinul qu’il juge “encombrants” pour mettre en avant la mélodie cachée, selon lui, sous les fioritures. Mort de trac, John McLaughlin s’exécute quand le trompettiste lui demande d’exécuter l’arpège introductif comme s’il ne savait pas jouer.
A la fin du mois de juillet suivant, les heures d’enregistrement fébriles se sont transformées, grâce au savant montage réalisé par le producteur Teo Macero, en deux plages poétiques d’une vingtaine de minutes, Shhh/Peaceful et In a Silent Way/ It’s About That Time. Zawinul, lui, enrage parce que, selon lui, sa composition était pure et sans fioriture (il en donnera sa version dans l’album Zawinul deux ans plus tard). Mais il est le seul.
Dans les pages du magazine américain Rolling Stone, Lester Bangs s’enthousiasme : “C’est le genre d’album qui donne foi dans le futur de la musique. Ce n’est pas du rock’n’roll mais ça n’a rien, non plus, de stéréotypé comme le jazz.”
Les appellations qui s’imposeront pour qualifier cette musique mutante, “jazz fusion” ou “jazz rock”, manquent certainement de grâce. Qu’importe, Miles Davis est désormais à mi-chemin entre plusieurs univers musicaux, planant au-dessus des conventions.
De nombreuses nouveautés annoncées ou déjà dans les bacs.
La suite, à paraître en juillet, des rééditions de concerts de Miles Davis "The Bootleg series" tout d'abord. Le volume 4 est un coffret de 4 CD regroupant des concerts à Newport de 1955 à 1975. Pour être plus précis, 1955, 1958, 1966, 1967, 1969, 1971, 1973, et 1975 plus deux concerts à Berlin et en Suisse !
Le concert historique du sextet de “Kind Of Blue”, le second "grand quintet" capté en 1966 et 1967, et pour finir la "période électrique" de Miles... Très alléchant !
Novembre 2014
Un nouveau coffret d'inédits de John Coltrane avec Miles Davis !
Après Kind of Blue (1959), avant de quitter définitivement le groupe, Coltrane accompagna Miles dans une tournée en Europe en 1960. Un coffret de 4 CD, All of You: The Last Tour, 1960 présente des extraits de huit de ces concerts (certains étaient déjà parus sur "Miles Davis With John Coltrane and Sonny Stitt 1960" sous le label Dragon). Certains de ces enregistrements sont tirés de retransmissions à la radio, d'autres (Francfort) d'enregistrements privés. Globalement, la qualité est très bonne sauf sur un ou deux titres.
Les solos de Coltrane sont si inhabituels qu'ils firent scandale à l'époque. Frank Tenot dit du premier concert donné à Paris : “Les gens étaient vraiment surpris d'entendre Coltrane jouer de façon très différente par rapport à Kind of Blue. Une partie du public pensait que Coltrane ne jouait pas bien, qu'il jouait faux de façon involontaire.” Tenot dit au saxophoniste après le concert qu'il était trop nouveau pour le public, qu'il allait trop loin.” Coltrane se contenta de sourire et répondit : “Je ne vais pas assez loin.” Les critiques se déchaînèrent : “scandaleux", "aucun rapport avec le jeu de saxophone". L'un d'entre eux alla même jusqu'à qualifier cette musique de "terroriste".
Ces enregistrements documentent parfaitement sur ce que sera l'évolution de Coltrane entre 1960 et 1966 avec ses "nappes de son".
Même si Miles joue divinement bien, c'est le solo de Coltrane que l'on attend avec impatience sur chaque morceau !
Parution annoncée pour le 2 décembre.
Mike Flynn
Friday, June 17, 2022
Previously unreleased studio sessions and live performances by the iconic trumpeter will be included on That's What Happened 1982-1985: The Bootleg Series Vol. 7
Cover artwork for Miles Davis - That's What Happened 1982-1985: The Bootleg Series Vol. 7On 16 September Columbia Records/Legacy Recordings will release the latest installment from the multi-award-winning Miles Davis Bootleg Series, with a 3CD box set collection featuring two discs of previously unreleased studio sessions from 1982-85 plus a third disc, Miles Davis – Live in Montreal July 7, 1983. The latter live album will also be made available as a separate 2LP vinyl release on Record Store Day on Saturday 18 June.
Available in digital and physical formats, the latest chapter in Columbia/Legacy's acclaimed Miles Davis Bootleg Series shines fresh light on an underrated period of the musician's restless, forward-looking musical quest, and frequently features gritty funk grooves and extended improvisations by several hard-hitting line-ups.
The set includes two discs of previously unreleased studio material from the Star People, Decoy and You're Under Arrest sessions, and a third disc showcasing Davis live in Montreal on 7 July 1983. The collection comes in a slipcase with individual album mini-jackets and a booklet featuring liner notes by Marcus J. Moore and revelatory new interviews with Miles' 1980s players including Vince Wilburn, Jr. (drummer and bandmate), John Scofield (electric guitarist), Darryl Jones (bassist), Marcus Miller (bassist) and Mike Stern (guitarist). Also available for pre-order is a 2LP release that collects highlights of the studio material pressed on white vinyl.
Eight of the 10 tracks on CD 1 of Miles Davis - That's What Happened… are unreleased studio tracks from the sessions that resulted in 1983's Star People. The second studio album released after Miles' six-year hiatus from recordings and performing, Star People was the artist's last to feature the studio ingenuity of his longtime producer Teo Macero. Musicians include J.J. Johnson (trombone), Bill Evans (soprano and tenor sax), guitarists Mike Stern and John Scofield, Marcus Miller (electric bass), Al Foster (drums) and Mino Cinélu (percussion) with Miles doubling on trumpet and keyboards (without overdubs). Also on this first disc are ‘Freaky Deaky, Part 1’ and ‘Freaky Deaky, Part 2’which were produced by Davis and feature Scofield, Darryl Jones (electric bass), Robert Irving III (Linn Drum programming) and Mino Cinélu (percussion). Recorded 30 June 1983 at A&R Studios in New York during the Decoy sessions, this previously unreleased cassette recording comes from the collection of John Scofield.
The second CD of That's What Happened… contains unreleased studio recordings from the sessions that gave us 1985's You're Under Arrest. Produced by Miles Davis and Robert Irving III, You're Under Arrest reflected Miles' widescreen approach to politics and music; transforming then-contemporary hits like Cyndi Lauper's ‘Time After Time’ and Michael Jackson's ‘Human Nature’ into new ‘jazz standards’. Musicians include Miles (trumpet), Bob Berg (soprano saxophone), Scofield (guitar), Irving III (keyboards), Jones (electric bass), Foster (drums), Vince Wilburn, Jr. (drums, drum programming, percussion), Steve Thornton (percussion) and John McLaughlin (guitar on ‘Katia [full session]’). The previously unreleased recordings in this set were mixed by Steve Berkowitz and Dave Darlington in 2022 at Bass Hit Recording, NYC.
The third disc showcases one of Davis' final great live bands at Montreal in 1983 with Scofield, Evans, Jones, Foster and Cinélu, plus the trumpeter who was back in top form. The LP includes liner notes penned by late music journalist Greg Tate, who passed away on 7 December 2021. In what was to be one of Tate's final pieces, he provides insight into Davis' process and psyche: “Asked in the 1980s why he changed his music so many times, Miles replied 'You don't change music, music changes you.' He also stridently stated: 'You don't play what the critics tell you to play, you play what your body tells you to play’.”
Miles Davis – That's What Happened 1982-1985: The Bootleg Series Vol. 7 was produced by the multi-Grammy winning team of producers Steve Berkowitz, Michael Cuscuna and Richard Seidel and mastered by multi-Grammy winning Sony Music engineer Mark Wilder. The first track ‘What's Love Got to Do With It’ is available now on Friday 17 June.
For more info visit www.milesdavis.com and the release can be pre-ordered here milesdavis.lnk.to/Bootleg7PR
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