GR 20 – FRA LI MONTI ® : un mythe
L’histoire récente de la montagne corse, avec l’abandon progressif de la transhumance, se confond avec celle du GR20. En Corse, nous l’appelons « Fra li Monti » ( "A travers la Montagne Corse") parce que son cheminement épouse le relief montagneux du nord ouest de l’île au sud-est.
Nombreux sont ceux qui en rêvent … quant à ceux qui l’ont parcouru, ils s’en souviennent comme d'une aventure exceptionnelle. Longtemps le bouche à oreille a été le seul vecteur de communication, ce qui a créé petit à petit un mystère autour du GR et son mythe.
Dans sa partie Nord en particulier, le GR20 franchit les massifs du Cintu et du Ritondu par une suite de passages rocheux qui peuvent impressionner les randonneurs : les principaux passages délicats qui ont du être réaménagés par l'installation d'équipements de sécurité (câbles) demandent une attention particulière par temps humide ou après la pluie, certaines dalles rocheuses devenant très glissantes.
De manière générale, il convient de ne pas sous estimer les dangers relatifs aux conditions météorologiques, même en période estivale : possibilité d'orages violents et imprévisibles occasionnant des crues brutales et amplitudes thermiques assez marquées.
En raison de l’enneigement hivernal l’itinéraire n’est en général praticable que de début juin à mi-octobre. Ainsi, la rapidité des changements climatiques avec des risques d’orages, de neige, de grêle … demande une bonne connaissance de la montagne et des précautions d’usage.
L'Hébergement:
A chaque étape des refuges de montagne, gérés par le Parc naturel régional de Corse, accueillent les randonneurs. Dans ces structures au confort sommaire vous trouverez:
Attention : il n'y pas de couvertures dans les refuges!!! Le randonneur devra se munir d'un bon sac de couchage.
Le tarif en vigueur en 2015 : est de 14€ par nuitée et par personne si vous dormez à l'intérieur du refuge.Si vous bivouaquez sur les aires aménagées à cet effet autour des refuges il vous en coûtera 6€ par personne et par nuitée, la location de tente de type 2 places est possible dans chaque refuge du GR20 à raison de 11€ la tente.
Attention : le camping sauvage est strictement interdit sur toute la Corse. il est obligatoire de rejoindre un refuge à chaque étape.
Les refuges ne sont gardés que du mois de juin à fin septembre, en revanche ils sont ouverts toute l'année.
Plusieurs ouvrages décrivent avec plus ou moins de précisions l’itinéraire. Il apparaît indispensable afin de préparer sa randonnée et parcourir le sentier, de disposer d’un topo guide récent.
Le GR 20 : un must, un mythe...un monument ! On murmure, avec gourmandise, que ce serait l'un des treks les plus difficiles au monde. 170 kilomètres, pour 15 000 mètres de dénivelée en dent de scie, sur un terrain escarpé en diable, avec des variantes nombreuses et des passages d'anthologie, dans des montagnes sauvages et odorantes. En un mot : irrésistible !
Lire la suite sur le site de Trek Magazine →
Vous trouverez ici le récit de notre GR20 en 7 jours entre Calinzana et Conca. Mais également des infos utiles sur la préparation de votre sac et la préparation de votre voyage sur l’Ile de Beauté.
POURQUOI LE GR20 EN 7 JOURS
J’adore marcher! Avec mon pote Fabien on voulait partir randonner, mais pas n’importe quelle randonnée. En effet, je ne voulais pas marcher «comme ça dans la montagne sans raison». On aurait bien aimé faire une marche bien dure où il faut «tracer son chemin à la machette !!» Mais avant de nous embarquer dans la brousse juste avec une machette et une boussole, on s’est dit: « pourquoi ne pas se lancer un défi sur le GR20 », chemin réputé le plus dur d’Europe...
C’est ainsi que le défi a été lancé : nous ferons le GR20 en 7 jours! La première tentative a été infructueuse. Et oui, nous l’avons fait 2 fois! En effet, la première fois, après quatre jours de marche, nous nous sommes arrêtés à Vizzavona. Une fois rentrés chez nous, nous nous sommes fait bien chambrer par nos chers et tendres amis (qui au passage ne sont pas capables de marcher plus de 2 heures). Alors nous nous sommes relancés le défi de finir en 7 jours! Nous voilà donc repartis à l’assaut du GR20. Mais cette fois mieux préparés, et encore plus motivés, nous arrivons jusqu’à Conca !
FRANCE -> CORSE
COMMENT SE RENDRE AU DÉPART DU GR20
Pour voir toutes les infos sur les bus, trains rendez vous sur ce site CorsicaBus
SAC A DOS GR20
Voici le lien de mon article sur le sac à dos, ainsi que l’équipement utilisé lors de notre traversée de la Corse : SAC A DOS GR20
LES ÉTAPES
Cliquez sur les liens pour avoir le récit complet de chaque étape.
LE BILAN
Au final, tout s’est relativement bien passé pour cette 2ème tentative. Cependant, pour faire le GR20 en 7 jours avec les sacs, la tente et en «autonomie» : ça se fait mais il faut bien le dire, ce n’est pas une partie de rigolade! En effet, il faut bien avoir conscience que ce n’est pas une visite tranquille des chemins de montagne corse. Avec des journées de marche qui durent entre 10 et 15 heures, vous n’avez pas le temps de trainer et de flâner pour admirer les détails du paysage. Si vous avez plus de temps, nous vous conseillons de le faire en 9 ou 10 jours. Ainsi, vous pourrez profiter des endroits de paradis qu’offre la Corse et faire de longues pauses baignades. Car nous avons fini épuisés, mais vraiment très très contents d’avoir réalisé ce défi. Ce fut vraiment une super expérience sportivement et visuellement.
Source : http://www.romlands.fr/gr20-7-jours/
Gérard Gavory, préfet de la Haute-Corse, a réuni mercredi matin les maires des communes concernées ainsi que les professionnels de la montagne pour évoquer la circulation dans la zone dite du "cirque de la solitude".
Après le tragique accident du 10 juin 2015 qui avait fait 7 morts et 3 blessés suite à un glissement de terrain, le maire de Manso, commune sur laquelle se trouve le cirque, avait pris un arrêté interdisant la libre circulation du public dans le Cirque de la solitude (I Cascitonni).
Depuis un itinéraire de substitution avait été mis en place sur le GR20. Ce mercredi, les autorités, après avoir reçu les résultats d’expertises et deux reconnaissances sur le terrain en juillet et octobre 2017, ont décidé de lever cette interdiction et de rouvrir au public l’accès à cette zone de haute montagne.
Toutefois, le Cirque de la Solitude ne fera plus partie du tracé du GR20, il ne sera pas réhabilité et le balisage n’y sera pas refait.
Les randonneurs qui l’emprunteront le feront à leur risque et péril et en toute connaissance de cause. Des panneaux d’information seront disposés à son entrée et l’information sera aussi relayée dans les refuges de montagne et autres points d’information. Aujourd’hui le sol est certes stabilisé dans ce site en forme de cuvette mais les autorités et professionnels de la montagne ont préféré établir un parcours de substitution pour cette partie du GR20. « Un tracé peut-être plus physique mais le risque y est moindre » soulignait Jacques Costa, président du Parc Naturel Régional Corse en charge de la surveillance du massif.
« On va aussi demander à l’IGN de modifier sa carte présentant le GR20 » ajoutait –il. «Nous allons renforcer l’information et le PNRC et le PGHM (Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne) continueront à surveiller les lieux. En août un nouveau repérage photos y sera notamment effectué » indiquait de son coté le préfet. Une décision qui a bien sûr été bien accueillie par les guides et accompagnateurs de montagne qui demandaient depuis plusieurs mois la réouverture du site au public.
Le GR20 est l'un des sentiers de randonnée les plus difficiles au monde. Chaque année, en Haute-Corse, 15 à 20 000 randonneurs fréquentent les sentiers de haute altitude. Bénéficier d'un abri et de ses commodités est, pour les marcheurs, essentiel. C'est pour cela que les responsables se préparent au ravitaillement en vivres et en matériels des refuges, souvent tranportés en hélicoptères, entre Calvi et Calenzana.
31/07/2018
Découvrir l'une des plus célèbres randonnées d'Europe sans s'astreindre aux étapes en refuge. Profiter des principaux sites et gagner en confort d'hébergement, certains marcheurs optent pour cette formule
à la fin de la semaine, ils auront déserté la montagne corse, avec une belle moisson d'images cueillies sur le GR 20 Nord. Ils auront profité des merveilles que la nature offre sur les crêtes et à l'approche des sommets, des lacs du Cortenais jusqu'à la forêt de Bonifatu.
En optant pour la formule proposée par Corsica Aventure, ils sont sept à avoir fait le GR 20 sans mettre les pieds dans le moindre refuge, sans s'astreindre non plus aux étapes telles que le tracé officiel les matérialise.
Ils ont dormi tous les soirs à l'hôtel, dîné au restaurant pour clore chacune de leurs journées. Sur le GR 20... Est-ce bien raisonnable ? Est-ce seulement possible ? Et pourtant...
Le séjour de ces randonneurs continentaux casse peut-être le mythe. Il brouille en tout cas l'image de ce GR 20 très sportif ciblé par celui qui s'y engage comme on relève un défi, mettant un point d'honneur à faire escale dans tous les refuges, voire à doubler les étapes, prenant soin d'emporter dans son sac le ravitaillement qui s'impose...
La mutation de la randonnée pédestre montre pourtant la voie. Elle n'est plus depuis longtemps le seul jardin des montagnards chevronnés et, bien qu'elle soit aussi le théâtre de bien des imprudences sur des sites où le danger est sous-estimé, l'offre de Corsica Aventure va peut-être faire école, devenir celle qui sécurise, qui adapte le GR20 aux moins téméraires, plus sages, disposés aussi à y mettre un prix forcément plus élevé.
"Pour nous, depuis un an, c'est une manière de rendre le GR 20 plus accessible, explique Harbi Rima, accompagnatrice en montagne en Corse depuis 5 ans. Ce séjour permet de marier confort et randonnée pour ceux qui souhaitent quand même profiter d'une semaine sportive et se dépasser."
Hier matin, 8 heures, ils venaient tous d'achever leur petit-déjeuner à l'Hôtel Castel Vergio et appréciaient sans nul doute la proximité du sentier balisérouge et blanc pour mettre le cap au nord, sous le Tafunatu et la Paglia Orba. Venus de Saint-étienne, Lyon et Dijon pour randonner dans la montagne corse, ils ont volontiers opté pour ce séjour visiblement privilégié par la tranche d'âge 45-70 ans et plus. "J'ai une expérience de randonneur dans les Alpes, confie Pierre, et je connaissais la répu tation d'un GR 20 difficile. Je pense que nous avons trouvé le moyen de réussir à y faire de belles sorties en minimisant les difficultés."
"Mon fils m'avait parlé des refuges bondés"Alain, lui, avait retenu le récit de son fils. "En me racontant son GR 20, il m'avait parlé des refuges bondés, de l'eau froide pour la douche..."
Les blogs et autres réseaux sociaux avaient fait le reste, mettant en exergue les commentaires les plus négatifs de ceux qui avaient choisi d'accomplir un GR 20 "traditionnel".
En découvrant l'offre novatrice, Joël avoue malgré tout s'être interrogé : "Je me suis dit que pour une telle randonnée, l'hôtel, c'était un vrai luxe, mais quand on prend de l'âge, c'est plus difficile de récupérer après avoir eu le dos cassé par le port d'un sac toute la journée. Ici, au bout de trois jours, on se sent plutôt bien, tout en ayant l'impression de crapahuter malgré tout."
"à la fin de la semaine, ils auront profité de 80 % du GR Nord", précise leur accompagnatrice qui aura porté le sac le plus lourd, tous les jours. Le détail amuse tout le monde et contribue à l'ambiance bon enfant ; à midi, aujourd'hui, ils n'en seront qu'à la moitié d'un GR pas comme les autres, moins pénible et vraiment plaisant".
Ils ont trouvé leur rythme, au point de penser, déjà, à un GR Sud. Une prochaine fois. Et dans les mêmes conditions.
Noël Kruslin
Suite au tragique accident qui a eu lieu le 10 juin 2015 sur l’étape Ascu-Tighjettu, au niveau des Cascettoni ou Cirque de la Solitude et qui a coûté la vie à 7 randonneurs, ce passage est actuellement toujours interdit d’accès.
A partir de la saison 2016, l’itinéraire du GR20 sera définitivement modifié sur cette étape.
Il sera remplacé par la variante mise en place en juin 2015 et alors balisée en « double jaune ».
Cette variante par Bocca Crucetta deviendra le GR20 officiel et sera balisée en « rouge et blanc » dès le début de saison par l’équipe montagne du PNRC, alors que l’itinéraire originel par le Cirque de la Solitude sera débalisé et complètement déséquipé de ses chaines et échelle.
A partir de cet été, le GR20 officiel passera donc au pied le Monte Cintu, point culminant de l’île à 2706m, via E Ghjarghje Rosse (la Pointe des Éboulis) et Bocca Crucetta, par un itinéraire de toute beauté. Vous pouvez voir l’itinéraire noté en rouge sur la carte ci-dessous.
Moins vertical que le Cirque de la Solitude, cet itinéraire reste cependant difficile et sportif.
La distance et les dénivelés sont supérieurs à l’itinéraire originel.
Certaines portions techniques ont été sécurisées par des chaines pour aider la progression.
Le risque de présence de névés en début de saison est aussi plus important en raison d’un point culminant plus haut (2 600m au lieu de 2 200m) et de son exposition Nord.
Les arrêtés d’interdiction devraient être prochainement levés et le passage du Cirque de la Solitude ne sera plus interdit.
Mais, ATTENTION ! Son accès sera très difficile car le matériel de sécurité ne sera plus en place.
Si vous souhaitez emprunter cet itinéraire, vous devrez installer votre propre matériel d’alpinisme pour passer les passages qui étaient équipés.
Ne vous y aventurez surtout pas sans matériel de sécurité !
Source de l'article : http://www.altre-cime.com/
La montagne corse sera-t-elle victime de son succès ? Les sites prestigieux sont-ils menacés par la sur-fréquentation estivale ? Un enjeu majeur auquel doit faire face l’Office de l’environnement de la Corse (OEC) qui a mis en place, en partenariat avec l’Agence de tourisme (ATC), l’Université et le parc régional (PNRC), un projet d’étude et de gestion des flux de fréquentation de la montagne corse. Depuis le 17 juin et jusqu’au 17 septembre, une escouade de jeunes saisonniers entourés par des agents permanents enquêtent et accueillent les randonneurs sur le GR20 et les sentiers du patrimoine. L’objectif est de mieux maîtriser les flux pour préserver le patrimoine naturel exceptionnel de l’île, sans entraver la liberté de circulation des personnes, tout en évitant la touristophobie. Explications, pour Corse Net Infos, de Marie-Luce Castelli, conseillère technique en biodiversité auprès du président de l’OEC.
Par: Alain Camoin
Avec un temps de 32h33 Xavier Thevenard ne battra pas le record détenu jusqu'alors par François Dahen en 31h06.
Il ne passera pas non plus devant celui de l'insulaire Guillaume Peretti en 32h.
Parti très fort hier matin à 4h de Calenzana, aidé dans son projet par une quinzaine de trailers insulaires, il a compté jusqu'à 40 mn d'avance sur le prévisionnel.
Mais plusieurs coups de chaleur sur le parcours et des ampoules au pied ont fait rétrograder le Jurassien dans sa tentative de record.
A 21 ans Marie est depuis trois ans gardienne du refuge de la Sega. Trois ans déjà que cette talentueuse jeune femme, BTS de technicienne agricole en poche se lance dans "le gardiennage".
C'est entre les Vallées de la Restonica et du Tavignanu, dans un coin ombragé et convivial que se trouve le refuge de la Sega, passage du Mare a Mare Nord, tenu par le Parc Naturel Régional de Corse.
Cette année 2020 marquée par le Covid fut différente, une ouverture retardée au 20 juin soit plus d'un mois après la date habituelle sans la certitude de monde au refuge, la gestion de la mise en application des gestes barrières, les nouveaux horaires, mais pour Marie, "le Pnrc, a mis en place un protocole sanitaire que tout le monde a respecté, depuis quelques temps les réservations de nuitées se font sur leur site, du coup les personnes connaissaient déjà la marche à suivre dans les gites, ils nous ont accompagné et je les en remercie"
Cette année, c'est une clientèle différente qui est venue aux portes du refuge, "une fréquentation identique aux années précédentes, mais une clientèle différente, beaucoup plus de locaux, de familles venant faire une pause au refuge sur la boucle des deux vallées", et en effet les Corses cette année ont privilégié le tourisme local, au moins une bonne nouvelle, la Corse est merveilleuse profitons-en.
Cette année, Marie avait pensé à tout. Pour sa troisième année, son objectif était de diminuer le nombre de kilos d'ordures engendrés, elle à réussi son pari mais pas toute seule, en effet elle a fait monter un armée de poules afin d'éliminer tous les déchets alimentaires, résultat : une élimination de 100% du gaspillage alimentaire et des œufs frais au refuge. Que demander de plus ?
Pour le ravitaillement Marie peut compter sur Nicolas son frère, qui deux fois par semaine profitant de son trajet jusqu'au bergeries de Capellace, pour rejoindre la bergerie de son père, lui livre les denrées nécessaires.
On espère la revoir ainsi que son beau sourire l'an prochain au refuge !!!
Une belle randonnée a faire en famille : Boucle des deux vallées :
Corte - refuge de la Sega par le Russulinu (6 heures), nuit au refuge, lendemain refuge - Restonica par le plateau d'Alzu (6 heures)
Ouverture du refuge :
De mi-mai à debut octobre
Source : https://www.aladecouverteducentrecorse.com
Les recits sur le GR20 : Suivre ce lien →
Par: Nicolas Wallon
Publié le: 17 août 2021
Dans: Culture - Loisirs
Depuis plusieurs années, Paul Favard a analysé et regroupé les cartes pour trouver l'itinéraire qui lui permettrait de traverser la Corse-du-Sud vers le nord, le GR 2.0. Début août, il a concrétisé le projet par une traversée de onze jours en solitaire. Loin d'une promenade de santé, l'itinéraire propose une alternative au GR20 et mérite, selon lui, d'être développé
Plus de 300 kilomètres et 15 000 mètres de dénivelé positif. Voilà, sur le papier, à quoi ressemble le GR 2.0 imaginé par Paul Favard, randonneur émérite qui peut aujourd'hui s'amuser à dire qu'il connaît bien tous les chemins de son pays.
Un itinéraire reliant le point le plus au sud de l'île au point le plus au nord. En onze jours, près de 100 heures de marche, Paul a bouclé ce parcours, laissant derrière lui plus de 25 000 calories et quelques kilos.
« Des galères sans nom »
Le 1er août, ce passionné de sport nature a quitté la maison à pied pour rejoindre Capu Testagrò, le point le plus au sud de la Corse.
« De nombreuses personnes imaginent être à l'extrémité sud lorsqu'ils sont à Capu Pertusatu, mais c'est faux », explique-t-il.
En autonomie totale, avec un sac de 15 kg sur le dos, le quinquagénaire originaire de Porto-Vecchio a commencé son périple à 8 heures pile. Objectif du premier jour, L'Ospédale, à un peu plus de 52 kilomètres de son point de départ.
Si cette étape fut la plus longue en kilomètres, elle ne fut pas la plus éprouvante.
Après deux jours de marche, il a pu rejoindre une partie du GR20 en empruntant la variante alpine de Bavella, un secteur technique mais bien balisé et emprunté.
« Quand j'ai rejoint le GR20, c'était agréable, notamment grâce aux installations liées au sentier. Les refuges, les douches chaudes, les repas, les chemins nettoyés et balisés. Et enfin les gens. C'est pratiquement le seul moment où j'ai croisé d'autres randonneurs. »
Les premières grosses « galères », comme il le raconte tout en revivant l'instant, sont arrivées après avoir quitté le GR au col de Verde en Corse-du-Sud.
« J'ai suivi la piste dans la forêt de Marmanu et j'ai voulu prendre le sentier qui descend au pont de Cannareccia. Malheureusement, pendant un ou deux kilomètres, le sentier était très sale. J'ai vécu quelques galères sans nom. »
Pourtant, sur les 316 kilomètres parcourus par Paul, « 95 ou 98 % sont totalement exploitables » et nécessitent juste un entretien régulier.
Enfin, la plus grosse surprise s'est trouvée sur les trois derniers jours, la traversée du Cap Corse. « Je ne m'attendais pas à quelque chose d'aussi difficile. J'ai vraiment ressenti la fatigue à ce moment-là. »
À la tombée de la nuit le 12 août, Paul Favard est arrivé à son objectif au pied de la tour d'Agnello, en face de l'îlot de la Giraglia. Quelques kilos en moins et un rêve de longue date réalisé.
Plusieurs années de travail
Ce projet, Paul l'a imaginé il y a déjà plusieurs années. Celui qui n'a « jamais pu faire le GR20 en entier » mais qui a tout de même parcouru toutes les étapes séparément a commencé à imaginer une extension Sud du célèbre sentier dès 2015. « Je trouvais dommage de ne pas passer par les magnifiques massifs du Sud, comme celui de Cagna. »
Ainsi, sur Wikiloc.fr, un site internet qui recense des itinéraires et randonnées dans le monde entier, il dépose le fameux parcours et ajoute trois jours de plus au GR20.
Plus tard, « je me suis demandé pourquoi ne pas ajouter une extension au nord également et rejoindre le Cap par Olmi-Capella ». Finalement, à force de réflexion, il imagine un tout autre parcours. Un itinéraire supplémentaire proposant une alternative patrimoniale à ceux qui existent déjà.
« Le but est aussi de mettre en valeur des secteurs de l'île moins fréquentés comme la Castagniccia par exemple et de remettre en valeur ce qui avait été bâti par nos ancêtres. »
Au fil des années, Paul a étudié les cartes. Les plus récentes, bien entendu, mais aussi les plus anciennes. « J'ai retrouvé un chemin qui était le seul itinéraire existant au XVIIIe siècle. Aujourd'hui, il est impraticable. Pourtant, c'est un beau sentier dallé avec un véritable intérêt patrimonial. Quand on laisse disparaître nos sentiers, c'est un bout d'histoire qui disparaît. »
Pour lui, ce n'est pas un défi sportif, plutôt un « défi personnel, une manière de dire qu'il est possible de relier le Nord et le Sud de notre île. Symboliquement, relier les points et les gens qui vivent aux deux extrémités. »
Par: Nicolas Wallon
Publié le: 29 août 2021 dans: Corse Matin
Depuis l'ouverture des refuges en mai dernier, la fréquentation du GR20 n'a cessé d'augmenter, perturbant la quiétude tant recherchée par les randonneurs. S'il est trop tôt pour parler de record, l'affluence n'en est pas moins exceptionnelle. Le Parc naturel régional de Corse avait anticipé
À la file indienne, les randonneurs chargés de leur fidèle sac à dos se suivent pour rejoindre la pointe des éboulis depuis la station d'Asco. Au milieu des rochers, le chemin est pentu et escarpé. Difficile, voire impossible, de doubler dans cette ascension les marcheurs les moins pressés.
Les vacanciers viennent se ressourcer sur le GR20.
Parfois seuls, au milieu des cirques granitiques. Mais, cette année, c'est au coude-à-coude qu'ils ont bronzé sur les sentiers, comme sur les plages bondées qu'ils pensaient esquiver.
Vers un record de fréquentation ?
« Nous avons eu une fréquentation supérieure d'environ 25 % sur le mois de juillet », explique Jacques Costa, président du Parc naturel régional de Corse (PNRC), en charge du célèbre GR20. « Il est encore un peu tôt pour faire le bilan de la saison mais nous avons déjà quelques explications à ce phénomène. »
Carlu Andria Albertini est agent au sein du PNRC. Il garde chaque année un œil attentif sur la fréquentation et la régulation du flux de randonneurs.
« La première explication est liée à la pandémie de Covid-19, détaille-t-il. L'année dernière, de nombreuses personnes qui avaient réservé leurs nuitées en refuge n'ont pas pu venir en Corse. Nous avons donc généré de nombreux avoirs qui ont été consommés durant l'été 2021. »
S'ajoute à cela la méfiance des touristes pour les voyages à l'étranger. Beaucoup de Français ont souhaité rester en France. « Le plus dépaysant, tout en restant dans le pays, c'est la Corse, ajoute l'agent. Les gens ont eu besoin de s'évader, la montagne est le lieu idéal pour cela. Au final, nous avons eu un pourcentage d'étrangers beaucoup plus faible que les années précédentes. »
Réservation systématique
Depuis déjà un an, le PNRC incite les randonneurs à utiliser la plateforme de réservation pour leurs nuitées dans les refuges ou sur les aires de bivouac. Un système qui permet d'une part au gardien de préparer l'arrivée du flux de randonneurs mais également de pouvoir gérer le surplus d'affluence.
« Nous avons pu anticiper l'arrivée des marcheurs et tenté d'espacer au maximum les groupes. C'était d'autant plus nécessaire d'un point de vue sanitaire car les aires de repos et les refuges ne sont pas extensibles, explique Carlu Andria Albertini, mais aussi pour éviter la surfréquentation des sites et un impact trop fort sur l'environnement. »
Le principe est simple, lorsque la place venait à manquer, les randonneurs étaient priés de repousser leur départ sur le GR20. « On ne peut pas non plus refuser les gens sinon on perd la notion de refuge. »
Pour encourager la réservation, des écarts tarifaires ont été mis en place entre ceux qui arrivent à l'improviste et ceux qui ont prévenu de leur arrivée.
Nombreux sont les amoureux de la montagne corse à proposer de créer un « pass montagne » pour accéder au GR20. Une sorte de sésame qui permettrait de contrôler le flux touristique sur l'ensemble du sentier.
« C'est très compliqué à mettre en place sur le GR20, assure l'agent. Chaque refuge possède plusieurs accès. Il y a beaucoup d'entrées sur le sentier. La solution, pour nous, c'est la communication. Nous voulons aussi inciter les gens à visiter d'autres sentiers, comme le Mare a Mare ou les sentiers de transhumances, quand il n'y aura pas de place sur le GR20. »
Situation exceptionnelle
Au PNRC, on s'interroge déjà depuis plusieurs années sur la meilleure manière de gérer la fréquentation estivale du sentier de grande randonnée.
De gros travaux ont déjà été réalisés sur certains refuges, avec l'installation de toilettes sèches et de douches plus conséquentes.
« Il ne faut pas oublier que cette année est vraiment exceptionnelle, reprend Carlu Andria Albertini. Ça ne devrait pas se reproduire. Normalement, les meilleurs mois de fréquentation sont juin et septembre. Cette année, c'est juillet ! »
Pour ce qui est de l'impact environnemental causé par la surfréquentation ainsi que la détérioration des sentiers, l'agent rappelle que « le GR20 n'est pas praticable toute l'année. Il y a du monde pendant quatre mois mais, l'hiver, c'est plutôt vide. Il y a des agents de terrain pour entretenir les chemins toute l'année. »
Par: Alain Camoin
Publié le: 15 juin 2022
Dans: Corse matin
Malgré le coup de froid et de fatigue durant la nuit, en réalisant un temps de 35h40'40'' pour les 173 km du GR20, Anne-Lise Rousset, en puisant dans ses réserves, s'empare du nouveau record féminin en l'améliorant de 5h20'
Voilà, la montagne, c'est fini ! Tout au moins le record. Les aiguilles de Bavella ont « recraché » la traileuse sur le coup des 17h50 hier à Conca. Pratiquement dans les mêmes prévisions de 36h, lorsqu'elle s'était jetée lundi matin dans la gueule du GR, à 6h de Calenzana.
Mais de quoi est donc faite cette femme ? C'est à l'évidence une de ces machines humaines à haut rendement, qui économise la moindre goutte d'eau, qui rentabilise les aliments jusqu'à la dernière calorie et transforme tout en énergie. Le GR est entré en elle avec force, sans la moindre médiation d'un doute, d'une hésitation, pour transformer son mental en granit aussi dur, que celui du Cinto. « Je suis vidée, je n'ai plus rien dans les pattes mais je l'ai fait. C'est incroyable, je remercie tous ceux qui m'y ont aidé, avec cet accueil formidable des Corses. »
Coup de froid durant la nuit
Il n'y a rien de plus beau qu'une traileuse qui s'extirpe en solo de l'enfer du GR. Qui survit à 173 km de baston contre le chrono, à 13 800 mètres de dénivelé positif, cuite par un soleil aux portes de l'enfer, les jambes rouges mais intactes, pour aller chercher la lumière à Conca.
Quel que soit l'élu, ou le perdant, ce sont toujours les mêmes frissons, le même picotement rétinien.
Sur le chemin et en dehors de certains rictus, la traileuse dégage presque toujours une impression de facilité, avec un large sourire accroché au visage.
Pourtant, après les portes de l'enfer de ''Bocca Alle Porte'' et durant la nuit, avec toute la chaleur accumulée au cours de la journée de lundi, c'est un coup de froid qui fondait l'avance de la Savoyarde. La foulée plus courte, le cardio plus excité, à la limite de la panne. « Ça a été compliqué à gérer, car ça n'a pas été simple pour s'alimenter, » expliquait Benjamin Moleins son Team Manager.
Le rictus jovial habituel, se transformait alors en une contraction de la mâchoire pour arriver à Vizzavona, aux alentours de 23h. « En 12 heures passées avec elle, je ne l'ai pas entendue se plaindre une seule fois. Juste... Quand est-ce que je vais sauter ? », s'étonnait Guillaume Peretti, ex-détenteur du record masculin, qui venait de faire 60 km et deux secteurs, avec elle depuis Asco. « Je commençais à être cuit, j'essayais de la stopper un peu, mais elle répondait toujours présent. Elle était juste 15 ou 20' au-dessus de mes temps... c'est fou. Un grand moment de partage. »
Le frêle halo de lumière sous la tente à Vizzavona laisse apparaître la traileuse allongée sous un duvet, Stéphane Bergzoll son kiné à son chevet, sur la table de massage. Anne-Lise s'accordera un « long » temps de récupération (20'), pour évacuer son trop-plein d'acide lactique et se réchauffer un peu, avant de repartir dans la tranchée minérale, accompagnée de ses deux pacers tout neufs. Pour le prochain ''check-point'' prévu aux alentours de 2h50 à Capanelle (station de ski de Ghisoni), Anne-Lise a dû ouvrir les vannes et repousser les limites, au-delà des frontières du supportable. « C'était encore très difficile, elle a avancé au mental, bien qu'elle affichait encore un sourire. Mais elle était toujours dans ses temps prévisionnels. Elle n'a rien lâché », confirmait le Team Manager. C'était une nuit de souffrance !
Cinq minutes de sommeil au refuge de Prati
Anne-Lise doit fonctionner à l'énergie solaire. Les premiers rayons qui balayaient le Renosu hier matin, avaient le pouvoir de recharger la batterie. Afin d'atteindre le 100 %, Anne-Lise se débranchait au refuge de Prati.
Plus de son, plus d'image...dodo. Cinq petites minutes à l'horizontal, après un jour et une nuit passés à la verticale, à mettre un pied devant l'autre.
''A Furmicula'', ''l'Incudine'', ''La Variante Alpine'' avalés, la Savoyarde avançait sur son long ruban d'efforts. Seul le plateau du Cuscione relançait la machine. « Elle a repris du poil de la bête, elle est largement dans ses temps », se réjouissait Benjamin Moleins en fin de matinée.
Encore hier dans l'amphithéâtre de Bavella et sa beauté éternelle, dernière pause avant les marches de la délivrance, l'athlète qui avait maintenu jusque-là un rythme de dragster, embarquait à ses côtés Adrien Seguret, son mari, son coach... son ombre. Une dernière étreinte à Faustin (son petit de 11 mois), une caresse furtive, sur un égo fragile, et 2h50 plus tard, la FFME inscrivait à Conca, sur le carnet de route d'Anne-Lise Rousset le temps de 35h40'40''. Le nouveau record Féminin : un exploit Majuscule.
De Calenzana à Conca par la grande dorsale de la Corse. Corse-Matin a parcouru l'ensemble du mythique sentier de grande randonnée de l'île pour venir à la rencontre de tous ceux qui peuplent ces monts durant la saison estivale. Des milliers de rencontres qui se racontent, étape par étape. Seize jours d'un GR20 du nord au sud.
Première étape du sentier de grande randonnée de la Corse en partant du nord vers le sud. Départ au village de Calenzana en Balagne jusqu'au refuge d'Ortu di Piobbu. Un peu plus de onze kilomètres de sentier et 1360 mètres de dénivelé positif.
C'est en quittant les sous-bois de Conca, au moment précis où les semelles érodées touchent le bitume, que les randonneurs réalisent ce qu'ils viennent d'accomplir. La gorge se noue, les larmes perlent aux coins des yeux, l'émotion est forte, intense, incontrôlable.
Une émotion qui se libère soudainement mais qui s'est construite au fil des étapes, jour après jour, depuis le premier matin dans les ruelles de Calenzana.
Départ au village
Au mois de juin, les hirondelles ne sont pas les seules à suppléer la sonnerie du réveil, le tic-tac des bâtons de marche résonne dans les venelles. Des rues tellement étroites qu'elles portent la voix des marcheurs jusque dans les appartements.
« Les bâtons, ce n'est pas obligatoire dans le village et à cinq heures du matin, ce n'est pas la peine de s'appeler à haute voix, rappelle à un habitant qui regarde les randonneurs passer devant sa porte. Le voisin a mis un petit panneau pour leur expliquer. » Un peu plus tard, au bar Le Royal, les habitués assistent au départ de randonneurs moins empressés.
« On ne les voit pas beaucoup, explique Bernard, un journal en main. Ils partent très tôt et ceux qui terminent arrivent à midi et filent directement au restaurant. Je suis responsable de l'hôtel en face, et souvent les randonneurs me demandent si le départ du GR est loin. Je leur réponds que cinq cents mètres ou un kilomètre en plus ça ne changera pas grand-chose à leur périple. »
Cette année, les balises blanc et rouge ont été peintes au sol pour mener plus facilement les aventuriers jusqu'à la rue Saint-Antoine et au panneau marquant le départ officiel. « Bien entendu que c'est une fierté, c'est le monde entier qui passe ici ! », lance un riverain.
Première sente
Les discussions sont toutes similaires dans les groupes de porteurs de sac à dos. « C'est la première fois ? », « On a déjà fait le Sud ! », « Tu le fais en combien de jours ? » Des questions récurrentes, souvent posées pour rassurer les moins aguerris et glaner quelques informations sur ce que réserve l'aventure.
À neuf heures, le soleil chauffe déjà très fort quand quatre jeunes femmes entament le deuxième kilomètre. « On est parties un peu tard et ça monte directement. Le problème va être la chaleur aujourd'hui... »
Derrière elles, une ombre gigantesque s'élève lentement à l'horizon. Le haut d'un sac à dos démesuré se laisse apercevoir, porté par un colosse aux cheveux blond, lâchant quelques râles aux accents scandinaves. « Nous avons emporté le maximum, explique l'un de ses collègues dans un parfait anglais. C'est sûr, les sacs sont lourds mais au moins, nous sommes autonomes. Le but est d'arriver au bout, au pire de faire quelques étapes... »
Dans un maquis ras, le sentier s'élève, constamment, ne laissant quasiment aucun répit aux randonneurs. La première étape est difficile, voire souvent décrite comme étant la plus dure à encaisser. Les raisons sont multiples. D'abord, la douzaine de kilomètres à parcourir pour un peu plus de 1 300 mètres de dénivelé positif, parfois dans des chemins très escarpés. Ensuite parce que les corps ne sont pas toujours habitués à marcher si longtemps avec autant de poids, un sac sur les épaules. Enfin, les chemins corses sont semés d'embûches. Des pierres, des roches, des racines, autant d'irrégularités mettant à rude épreuve la progression des non initiés.
« Quatre litres, c'est juste »
À mi-parcours, alors que Calenzana n'est déjà plus visible, trois jeunes retraités profitent d'un tout petit cours d'eau pour se rafraîchir les pieds. « Sur le guide il était bien indiqué qu'il n'y avait pas beaucoup de points d'eau. Et avec la sécheresse, ils sont presque tous à sec. On a emporté quatre litres mais ça va être juste. »
La montée devient plus rude pour rejoindre Bocca u Saltu. Les pins laricii, ravagés par les incendies, peinent à ombrager le chemin. En ce début de saison estivale, les pas des randonneurs sont accompagnés d'envolées de centaines de papillons de toute taille. Le maquis est fleuri, riche, fourmille de lézards et d'insectes.
Difficile pourtant d'apprécier à sa juste valeur ce paysage quand l'heure avance plus vite que les kilomètres parcourus. La dernière montée demande un peu d'alpinisme. Les bâtons dans une main, l'autre cherchant les prises dans les rochers pour continuer de s'élever. Bientôt le premier refuge se laisse entrevoir. Ortu di Piobbu est tout proche et pourtant, il faudra contourner la vallée pour le rejoindre.
Dans son abri, Joseph Albertini, le gardien du Parc naturel régional de Corse, attend les arrivants. « Beaucoup souffrent de la chaleur et arrivent ici sans eau. Je leur conseille d'aller à la source avant de revenir me voir pour l'installation et les explications. » Le temps du repos viendra un peu plus tard dans la journée.
Il faut d'abord préparer l'étape suivante, ravitailler son sac en vivres et en eau, trouver où monter une tente et laver le linge. Une logistique qu'il faudra roder et répéter chaque jour jusqu'à l'arrivée. Le soleil n'est pas encore couché quand le calme touche l'aire de bivouac.
La journée a été difficile, des questions et des doutes ont germé dans certains esprits.
Demain, les randonneurs seront mieux préparés et plus nombreux à partir à l'aube.
Seconde étape du sentier de grande randonnée de la Corse en partant du nord vers le sud. Depuis Ortu di Piobbu, direction Carrozzu par une étape rocailleuse, difficile et intense.
Cette seconde étape du GR20 est courte, seulement 6,5 kilomètres, mais très éprouvante. Il faudra gravir plus de 700 mètres de dénivelé et, surtout, en descendre plus de 900 pour rejoindre le prochain refuge. La plupart des randonneurs mettront plus de sept heures pour arriver à destination.
"La seconde étape par le GR jusqu'à Carrozzu est très technique, il ne faut pas être dans le dur, il faut y aller tranquillement'', nous confiait l'agent Joseph Albertini la veille au soir.
Le secret est donc de se lever tôt pour éviter la chaleur, prendre son temps et profiter des paysages.
Les premiers petits-déjeuners sont servis aux alentours de 6 heures au bivouac d'Ortu di Piobbu alors que certains randonneurs sont déjà sur le sentier. « L'étape est donnée pour 7 heures, détaille Pierrot, qui accompagne sa fille sur le GR20. Nous, on va sûrement mettre 8 ou 9 heures, alors on part tôt. On veut aussi prendre le temps, prendre des photos et profiter des paysages. »
Descendre et remonter
Déjà, une forte odeur de camphre plane aux alentours des tentes. Les muscles, agressés par l'étape précédente, doivent être renforcés pour continuer l'aventure. Le ciel est un peu couvert et la fraîcheur matinale force à sortir les coupe-vent.
La première partie du chemin, sous les arbres, mène à une petite crête où la végétation s'ouvre sur une impressionnante montagne coupée en deux par un petit col. « C'est là que nous allons », lance un randonneur à ses camarades alors que le soleil commence tout juste à passer par-dessus les crêtes.
La décontraction de la veille au soir est déjà loin, il faut se concentrer pour descendre. Le sol est glissant et la pente est raide jusqu'au ruisseau de la Mandriaccia. C'est en le traversant que l'on trouvera l'unique source du parcours.
Au milieu des aulnes odorants, un groupe d'inconnus de tous âges s'arrête pour écouter le guide. « Remplissez bien vos gourdes, il n'y aura plus d'eau jusqu'à Carrozzu », met-il en garde avant de dispenser un petit cours de botanique sur la flore environnante.
« Nous sommes treize mais seulement deux à se connaître, explique un membre du groupe. On discute, on fait connaissance et on découvre de nouvelles personnes avec qui partager ce GR20. C'est très agréable. »
« Nos sacs sont trop lourds »
Commence ensuite une ascension de plus de 400 mètres jusqu'à Bocca di Pisciaghja.
La végétation laisse place à d'énormes plaques de granite qu'il faut longer, escalader sans glisser jusqu'à se frayer un chemin au milieu d'énormes blocs rocheux.
À seulement quelques mètres de la crête, assises sur des rochers, deux jeunes femmes prennent un temps de repos.
« On a pris des sacs un peu trop lourds, ça a été compliqué jusqu'ici. Je crois qu'on est monté avec les mains autant qu'avec les jambes. Je me penche beaucoup en avant pour ne pas être emportée par mon sac. Ça fait travailler tout le corps. C'est vraiment difficile. »
Une fois sur la crête, la végétation a déserté. Le paysage est grandiose, rocailleux, gris et sombre. Ici, l'environnement semble hostile et si l'on aperçoit parfaitement la fin de ce cirque rocheux, l'atteindre paraît impensable.
Dans un dédale de pierres coloré de quelques genêts trop ambitieux, le chemin longe la falaise abrupte.
Un marcheur s'arrête un temps face à la falaise, le regard au loin. « On a l'impression d'être immensément petit dans ce genre de paysage. La diversité de la nature est impressionnante. Je crois que lorsqu'on est seul sur le GR, on répond à beaucoup de questions que l'on pouvait se poser avant... »
Si proche et pourtant si loin
C'est aux alentours du col d'Avartoli que l'on s'aperçoit que le tracé initial a bien été imaginé par des alpinistes. Impossible de ne pas s'aider de ses mains pour avancer. Les pentes sont vertigineuses, les pieds hésitants. Bloquées par leur vertige, nos deux jeunes randonneuses peinent à progresser et demandent à ceux qu'elles croisent de leur montrer le chemin jusqu'à Bocca Innominata, dernier point de passage avant la descente.
Pierre pose son sac au niveau du col et regarde sa montre. « Sur le papier, le GR20 a l'air facile. On voulait doubler cette étape, voire tripler. Mais vu le temps qu'on a mis pour faire 5 kilomètres aujourd'hui, je pense qu'on va rester dormir à Carrozzu. »
Après quelques dizaines de mètres dans les pierres, le toit vert du refuge de Carrozzu se laisse apercevoir dans les bois en contrebas. « On descend, on descend, mais il ne semble pas se rapprocher. Je crois qu'il va falloir être patient », s'amuse un quinquagénaire.
Au bout d'un interminable pierrier, les premières tentes apparaissent enfin entre les arbres. Le brouhaha ne trahit pas, le refuge de Carrozzu est à deux pas.
De nouveau, le chemin sera technique pour rejoindre le prochain refuge au cours de cette troisième étape du GR20.
Une étape en trois phases : une ascension, un passage entre deux cols et une descente technique. Ce jour-là, l'orage s'est invité plus tôt que prévu.
Les bourrasques de la nuit auront perturbé le sommeil de la centaine de randonneurs qui aura fait le choix de la tente. Les nouveaux racks installés par le Parc pour ses tentes auront au moins ajouté le confort de dormir à plat sur un sol stable.
Bien avant le réveil des agents et des gardiens, le départ est pris pour de nombreux marcheurs, échaudés par les deux journées précédentes. De plus, des nuages menaçants sont annoncés pour le début de l'après-midi, il est important de passer la crête avant. « On voulait partir un poil plus tôt, explique un randonneur sortant de l'aire de bivouac, mais on avait vraiment besoin de sommeil alors j'ai poussé au maximum. »
Emblématique Spasimata
Avant d'entamer la redoutable montée de Bocca di a Muvrella, le sentier descend sur le ruisseau de Spasimata et son emblématique passerelle en pont de singe. « Hier après-midi, on est venus se baigner dans les vasques juste en dessous, l'eau était meilleure que dans les douches », témoignent deux amis avant de traverser, les mains sur les garde-fous.
Comme la veille, l'étape s'articule autour d'une impressionnante montée jusqu'à plus de 1900 mètres d'altitude. Puis, une descente, encore plus vertigineuse, jusqu'à la station de ski d'Asco, où est implanté le prochain refuge.
Dès le début de l'ascension, de grosses chaînes en métal permettent de s'agripper pour passer les dalles de granite. Si à cette période elles peuvent être glissantes, à l'ouverture de la saison en milieu de printemps, des plaques de neiges peuvent rendre le passage réellement délicat. Les deux mains sur la chaîne, une randonneuse avance pas à pas. « Je préfère ne pas regarder en bas. »
Orage soudain
Il fait moins chaud que les jours précédents. Le soleil est caché par d'imposants nuages. Le vent est de plus en plus fort et, de minutes en minutes, le ciel s'assombrit. Juste avant d'entamer la montée vers le lac de la Muvrella, un petit groupe de mouflons coupe le sentier juste devant les marcheurs.
Emmitouflé dans son coupe-vent sur une pierre, un spectateur immortalise la scène avec son téléphone. « C'est magnifique, on dirait une femelle avec ses petits. C'est la première fois que j'en aperçois de si près. »
Certainement plus avertis que nous tous, les ovidés ont senti le temps tourner. Un coup de tonnerre fait sursauter toute la vallée, le vent devient brutal et la pluie s'abat soudainement sur le secteur. Il est tout juste 11 heures. À la hâte, chacun sort ses affaires de pluie, son couvre-sac. Il devient presque impossible d'avancer en sécurité. La roche est glissante, quelques branches d'arbres cassent et manquent de tomber sur des randonneurs.
Certains s'abritent, attendant la fin de l'épisode. D'autres accélèrent le pas, « il faut atteindre le col au plus vite au cas où ça dégénère ».
Le groupe que nous avions croisé la veille nous rattrape lorsque la pluie commence à cesser, tous derrière leur guide. « On a eu une belle alerte avec le coup de tonnerre. Dans ce cas, il vaut mieux attendre voir si ça se reproduit et redescendre vers le refuge si ça devient trop dangereux. Heureusement, ça semble se calmer. »
Retour du soleil
Arrivé au premier col, la pause s'impose. Le stress redescend avec le vent. Les jambes commencent à trembler et quelques larmes coulent. « On a eu un peu peur mais il fait beau de l'autre côté, heureusement, livre une jeune femme assise sur un rocher face au panorama. Il faut continuer jusqu'au refuge, le plus dur est fait ! »
Le chemin serpente jusqu'à Bocca Stagnu, second col de l'étape. C'est ici qu'ont choisi de déjeuner une bonne partie des marcheurs du jour qui se sont retrouvés dans la tempête. « Les gardiens des refuges nous préparent la gamelle du midi tous les jours. C'est bien pratique et, en plus, c'est bon. Ce midi, c'est taboulé. »
Un groupe de quatre jeunes femmes entame la descente, assez technique, vers Asco Stagnu. « On fait la technique du jeté de bâtons, s'amuse l'une d'entre elles. On les jette d'abord, on se jette ensuite. »
Le retour des bois est synonyme d'un sentier plus plat, moins technique et de fraîcheur. Rapidement, les premières tentes et la bâtisse du refuge apparaissent. Ici l'accès à la route change la donne. Deux jeunes marcheurs entrent dans l'épicerie de Jean-Benoît Marchini, l'unique gardien de cette structure. « Il y a une superbe épicerie ici, on va pouvoir faire le plein. »
Un petit plus qui fait la différence, comme la température de la douche, bien élevée. Un petit confort indispensable avant la prochaine étape, réputée pour être la plus éreintante.
Réputée comme étant la portion la plus difficile du GR20 depuis la fermeture du cirque de la solitude. Cette quatrième et longue étape amène au point culminant du sentier de grande randonnée, au pied du Monte Cintu à plus de 2 500 mètres d'altitude.
Les premiers rayons de soleil peignent d'un jaune orangé les troncs de la forêt de Carrozzica. Les cloches n'ont pas encore sonné six coups quand les randonneurs quittent le bitume pour s'enfoncer dans les bois. Le ciel orageux de la veille semble maintenant lointain, la journée s'annonce ensoleillée, chaude et technique.
« On va essayer d'arriver au col avant que le soleil nous tape sur la tête, témoigne un randonneur, chapeau déjà vissé sur le crâne. L'objectif, c'est le refuge de Tighjettu. On va essayer de faire un détour sur le Monte Cintu s'il nous reste des forces. »
Dans les éboulis
Le cirque de la solitude, ou plutôt, de son véritable nom, E Cascettoni, a beau avoir été écarté de l'itinéraire, cette étape n'en reste pas moins une véritable épreuve physique. La plus difficile si l'on en croit les habitués.
En moins de dix kilomètres, il faudra gravir plus de 1 200 mètres de dénivelé et, pour les plus courageux, s'en rajouter pour observer l'île depuis son point culminant.
Après la passerelle de Tighiettu, les premières chaînes annoncent la couleur. Les bâtons sont repliés pour libérer les deux mains. Pour progresser ici, il faudra utiliser ses quatre membres.
« Ça commençait plutôt tranquillement et maintenant, il faut s'aider des mains, ça picote un peu… Enfin, ce n'est pas pire qu'hier finalement » lance une randonneuse.
Partir tôt sur ce quatrième jour permet d'effectuer la quasi-totalité de l'ascension à l'ombre, un avantage considérable quand on voit l'état du terrain.
Plus on prend de l'altitude et plus le sol devient instable. Les blocs rocheux laissent place à des successions d'éboulis dans lesquels des sentes sont tracées par les pas des marcheurs. Un itinéraire qui change à chaque saison, à chaque grosse pluie.
Des amis…
En fond de vallée, le plus haut sommet de Corse se dresse. Sa face nord est reconnaissable à ses pigments jaunâtres. Sur un petit plateau juste en dessous, le lac d'Argentu est une excuse pour la pause. Les amis se regroupent pour sacrifier à la photo souvenir. « Nous, on s'est rencontrés dans le train en venant en Corse, détaille Romane. Ensuite, nous avons rencontré Lisa sur le GR, puis Tony, Laurence, une autre Lisa et son frère et maintenant, nous sommes un grand groupe et nous avançons ensemble ! »
Ce sentier possède une recette qu'il garde secrètement, une recette qui rapproche et rassemble les gens sur un pied d'égalité. Tous dans la même galère, ils finissent par avancer côte à côte et façonner des souvenirs communs.
La dernière difficulté est tenace, un pierrier extrêmement abrupt pour rejoindre le bien nommé Col des éboulis. Certains puisent dans leurs ressources pour y arriver, d'autres sont forcés de s'arrêter un moment, le regard fixé vers la crête. Si proche et pourtant si loin.
Des amours…
Enfin le sol devient plat.
Petit à petit, les yeux se relèvent vers l'horizon, les sourires se dessinent sur les visages quand la vallée du Niolo se dévoile. Emplie d'émotions, Laurence s'aide de quelques larmes pour souffler. « Tout vibre quand on arrive ici, c'est intense. J'ai été au-delà de mes forces, de mes doutes. C'est la vallée des larmes ici. Je suis venu pour mes cinquante ans, c'était un de mes rêves » et son époux de répondre avec amusement : « Plutôt qu'une soirée, me voilà treize jours sur le GR20 ».
Au-dessus du lac du Cintu, des compagnons entonnent la marche nuptiale avant de vendre la mèche, un membre du groupe s'est agenouillé sur le Cintu, une bague au creux de la main. « On a pris son courage à deux mains, avoue le futur marié, on a bafouillé deux ou trois mots qui ne voulaient pas dire grand-chose ensemble, mais la réponse a été oui assez rapidement donc… ça va, je respire mieux maintenant ».
Pour sa fiancée « c'était totalement inattendu, grandiose, mémorable, génial… »
Des problèmes…
Le célèbre Bocca Crucetta s'approche, donnant le « la » de la descente vers Tighjettu. La vigilance est de mise, le chemin est confus, glissant et raide. L'œil attiré par l'ombre d'un Gypaète un marcheur lève les yeux au ciel avant de trébucher lourdement. Fort heureusement, plus de peur que mal mais un rappel à la concentration.
De nombreux accidents se produisent à l'approche des refuges, comme si l'esprit souhaitait prendre du repos bien avant que le corps soit arrivé à bon port. La quatrième journée est passée et avec elle, les redoutables épreuves dites « de montagne ».
Une cinquième et courte étape du GR20 qui mène au plus haut refuge du parcours, Ciottulu di i Mori. Malgré une ascension comportant quelques passages délicats, cette portion de l'aventure s'annonce comme un repos après un nord compliqué et avant une sixième étape très longue.
Les quatre premières étapes de cette aventure auront surpris, par la difficulté de les enchaîner, une bonne partie des randonneurs. Avant de s'élancer dans cette cinquième journée, ils pourront s'autoriser une petite grasse matinée. Le mot est plus ambitieux que les faits puisqu'elle se terminera forcément lorsque le soleil fera monter trop haut la température à l'intérieur des tentes.
Seuls resteront couchés les quelques-uns qui auront veillé autour de la table de Marius, un verre de pastis à la main, un sourire aux lèvres et des souvenirs plein la tête. Ceux-là rêveront de fromage de « mouflonne » et des pommes du Cintu, si grosses « qu'une seule suffit pour fabriquer la compote pour toute la soirée ».
En détente
C'est le bêlement des mouflons, tout juste après six heures, qui nous aura extirpés de nos duvets. Impossible de les repérer dans ce chaos minéral. Ici, nous sommes en plein dans leur territoire, ils savent se rendre invisibles aux hommes. Une fois le petit-déjeuner avalé, il faut reprendre la marche vers le prochain refuge.
Après les premières pierres qui rejoignent la rivière, le chemin atteint en une quinzaine de minutes les bergeries de Ballone, réputées pour leur accueil chaleureux et les plats qui sortent de la cuisine. Tout autour, de belles vasques permettent de se baigner pour ceux qui arrivent ici l'après-midi.
« On n'a pas vu de mouflons cette nuit, se désolent trois Strasbourgeois, mais très tôt ce matin, on a vu une sorte d'animal avec une petite lumière devant la tête. Ils avaient l'air bien motivé ».
Une grande partie des marcheurs partent plus tôt pour doubler l'étape ou pousser jusqu'au col de Vergio, deux heures après le refuge de Ciottulu di i Mori.
La balade en forêt est agréable, quelques trouées permettent d'admirer la vallée du Niolo et ses trésors. Les cimes des emblématiques « Cinque Frati » attirent l'œil de nombreux marcheurs.
« On purge les problèmes »
Alors que nos pas nous mènent à entamer l'unique ascension du jour, trois marcheurs venant du sud terminent eux la descente. « On prend beaucoup de plaisir, commence celui de tête, c'est un petit peu dur mais... », « On purge les problèmes, le coupe son ami, on ne vole pas mais on est plus légers ».
Quand les randonneurs se croisent sur le chemin, pour le moins ceux qui ne doublent ou ne triplent pas les étapes, ils prennent le temps d'échanger quelques anecdotes. Croiser des randonneurs en sens inverse est l'occasion de savoir un peu ce qui nous attend.
« L'année dernière, on avait eu du mauvais temps sur une étape, reprend le randonneur de tête. Cette année, nous sommes revenus pour faire le GR20 dans l'autre sens et, sur la même étape, on a encore eu du mauvais temps. Cette fois les tentes se sont carrément envolées. Ce n'est pas notre étape, je pense » s'amuse-t-il.
Lorsqu'on discute, le temps passe mais pas les kilomètres, chacun reprend donc sa route en se souhaitant bon courage pour la suite.
De nouveau, l'ascension du jour présente quelques difficultés qui forcent à replier les bâtons. L'étape est courte, certes, mais technique et le soleil tape de plus en fort sur les rochers.
Le bruit des cigales se couvre petit à petit du chant d'un ruisseau. Il s'accompagne de voix de randonneurs. Les pieds dans l'eau, ils profitent d'un moment de fraîcheur.
« C'est pour la récup, indispensable après les journées précédentes. Aujourd'hui, on prend le temps de se poser à chaque point d'eau », explique l'un d'entre eux, visiblement sans savoir qu'il trempe ses pieds dans l'unique point d'eau du parcours.
Le plus haut refuge du GR20
Bocca di Foggialle n'est plus très loin et annonce la fin des difficultés. Le refuge et son immense aire de bivouac sont tout proches. Christine Vincetti nous accueille à notre arrivée. Agent au Parc naturel régional de Corse, elle s'occupe de l'entretien des tentes et des installations ainsi que des réservations pour les nuitées.
Ce jour-là, elle est accompagnée d'un collègue, Franck Finelli, monté ici pour effectuer des travaux. « Sur ce refuge, le problème, c'est la gestion de l'eau, explique-t-il. Il y en a de moins en moins et de plus en plus de consommateurs. J'ai dû monter pour installer des raccords sur les cuves que nous avons installées en début saison pour prévenir le manque d'eau. »
Sur la terrasse du refuge, l'ambiance est reposante. Vers le sud, la vue est fabuleuse, étendue sur la vallée où le Golo prend sa source, il semble serpenter à l'infini. Au nord, la Paglia Orba et le Cap Tafunatu, deux sommets emblématiques de l'île se présentent comme une immense barrière infranchissable.
C'est d'ailleurs cette direction que la plupart des randonneurs, arrivés tôt au camp des Maures, prennent pour passer l'après-midi.
Plus de vingt kilomètres devront être parcourus pour rejoindre le prochain refuge. Des amas de pierres, une rivière, une forêt de pins, les pozzines et le lac de Ninu. L'étape la plus longue de l'itinéraire promet d'être mémorable, époustouflante
Une des étapes les plus redoutées lorsqu'on l'a fait dans son intégralité. En effet, le parcours fait près de 24 kilomètres et permet de passer d'un massif à l'autre.
Le ciel est tout juste teinté d'un bleu azur sur lequel les reliefs se découpent, trop sombres pour que l'on puisse en distinguer les détails. Déjà, sur le chemin de la crête, quelques points lumineux avancent en silence. Rejoindre le refuge de Manganu est audacieux, plus de vingt-trois kilomètres à parcourir et six cents mètres à gravir.
Les décors seront changeants, il faut maintenant s'éloigner des redoutables épreuves du nord et quitter le massif du Cintu pour entrer dans une nouvelle ambiance. Celle du Rotondu, de ses multiples lacs, de ses paisibles pâturages verdoyants peuplés de bergers et de leurs troupeaux.
Descente en cascades
Le jour se lève doucement en longeant le Golo, rendant à la Paglia Orba ses reflets ocre si particuliers. Plus l'on descend, plus les vasques du fleuve deviennent imposantes, parfois semblables à des piscines agrémentées de toboggans. Un appel à la baignade qu'il est difficile de contenir, on déchausse pour tremper les pieds mais... « il est tout juste 6 heures du matin, c'est glacial, ça pique un petit peu ! rappelle un randonneur. Quand on fait le GR dans l'autre sens on doit pouvoir en profiter ».Passées les incontournables, mais bien trop fraîches, cascades d'E Radule, les marcheurs arrivent aux bergeries éponymes. Une nouvelle pause sur l'itinéraire. Celui que l'on aperçoit habituellement tirant ses mules sur les sentiers du GR, Alain Castellani, a rouvert ici les anciennes bergeries et propose de quoi se restaurer. Deux jeunes femmes sont déjà devant le comptoir. « On va prendre une omelette à la charcuterie, une part de gâteau à la châtaigne et un melon s'il vous plaît. » Des oranges, des bananes, de la pastèque. Des fruits frais rares et prisés par les randonneurs. « On essaye de leur rendre la pause agréable, explique le muletier. Je dois encore faire quelques travaux pour monter le troupeau dans les bergeries, l'objectif c'est de pouvoir être autonome l'année prochaine. Mais du fromage, j'en ai déjà ! »
Montée en pointe
Il faut vite reprendre la marche, le chemin est encore long jusqu'à Manganu. Rapidement, on quitte la rocaille pour s'enfoncer dans la forêt de Valdu Niellu. Il fait frais sous les frondaisons, le chemin est plus doux, inutile de fixer ses pieds pour avancer sans trébucher. Le chemin traverse la route au niveau de l'hôtel Castel Vergio. Beaucoup de randonneurs auront poussé jusqu'à cet endroit pour passer la nuit la veille. Toujours en sous-bois, le chemin mène à la seule difficulté de la journée, la montée jusqu'à Bocca a Reta.
Ici, les quelques arbres encore debout sont aussi emblématiques que le sentier. Taillés par le vent, presque couchés au sol. Chaque parcelle d'ombre est occupée par des randonneurs fatigués. « C'est dur. Enchaîner les kilomètres après les premières étapes c'est quelque chose », avoue l'un d'entre eux. « Au loin on voit la Paglia Orba. Elle parait si loin... on était à ses pieds ce matin et il est tout juste onze heures », s'étonne un autre. Dans le ciel plane un nombre impressionnant de rapaces. Des milans à première vue mais pas seulement. Jumelles sur les yeux, un randonneur observe : « Je crois qu'il y a un ou deux aigles royaux dans le lot. »
Changement de décors
L'ascension est assez simple mais éreintante arrivé au cinquième jour de marche. Heureusement, comme souvent sur le GR20, le passage du col offre son lot de récompense. Le plateau du Camputile, ses pozzines et le lac de Ninu s'étendent sous les yeux ébahis des spectateurs. Il faut un moment pour réaliser. « C'est une récompense magnifique après 18 kilomètres de dur labeur. On va se poser et beaucoup boire je pense. » Les marcheurs sont priés de rester sur les sentiers pour ne pas dégrader les pelouses.
Celles-ci sont réservées à quelques vaches et chevaux laissés ici en liberté le temps de la saison estivale. De temps à autre, les équidés font le spectacle et partent au galop. « C'est tellement beau. C'est impressionnant comme le paysage peut changer à l'intérieur d'une seule étape », s'émeut un marcheur, les pieds nus dans l'herbe. Juste sous les crêtes, des brebis se déplacent en troupeau, loin du tumulte du plateau.
Ce sont les bêtes de Noël Donati, berger de Vaccaghja depuis trente ans. Une institution sur le Camputile. Il faudra encore marcher quatre à cinq kilomètres pour rejoindre le refuge de Manganu. Certains seront pressés d'arriver, d'autres prendront le temps d'un bain dans les belles piscines naturelles du Tavignanu.
Dernière grosse difficulté de la partie nord du GR20. L'ascension de Bocca Alle Porte, réputée pour sa technicité et, peut-être bien plus, pour la vue sur les lacs de Melo et Capitello. Ceux qui savent observer pourront dénombrer une petite dizaine de lacs jusqu'à Petra Piana.
"Il y en a quelques-uns qui sont descendus sur Corte pour éviter cette étape. On dit qu'elle est trop difficile. Nous, on est partis tôt et on va y aller doucement", témoigne une randonneuse en quittant le pont du refuge de Manganu.
Le plateau du Camputile et ses verts pâturages s'éloignent doucement dans les prémices de l'ascension. Les verrous glaciaires ont créé plus haut de petits replats herbeux peuplés de vaches.
Mythique brèche
Gravir, à la force des jambes, en s'aidant des bâtons et souvent des mains. Les journées s'enchaînent de montées en descentes. Les randonneurs avalent les kilomètres sans rechigner.
C'est dur, intense, éprouvant mais les récompenses offertes par cette montagne efface les douleurs, gomme les doutes, fait oublier l'effort demandé pour avancer. « Est-ce qu'on en profiterait autant si c'était plus facile d'ailleurs ?, se questionne un randonneur. Moi j'ai bien dormi par exemple, mais je ronfle, alors les autres sont épuisés, c'est très difficile aujourd'hui pour eux. Je ne sais pas comment faire pour ne pas ronfler... »
Les blocs rocheux s'enchaînent, comme une piqûre de rappel des premières étapes. Le point de passage vers la Restonica semble inatteignable. Bocca Alle Porte, tellement haut que les rayons du soleil peinent encore à traverser.
En file indienne, d'énormes sacs à dos portés par des femmes et des hommes éprouvés par six jours de marche s'élèvent lentement. Bientôt le soleil perce, réchauffant l'atmosphère. « Il faut qu'on passe la brèche avant qu'il ne fasse trop chaud. »
Il faut s'aider des mains pour gravir les deux derniers mètres. Difficile d'y voir quelque chose lorsque l'on est concentré sur le placement de ses pieds dans les rochers. Là-haut, tout le monde marque une pause, la foule est dense, l'endroit escarpé.
Finalement chacun trouve sa place et prend le temps de lever les yeux. Le fond de vallée de la Restonica s'étend, percé de deux joyaux bleutés, encrés dans la roche. Melo et Capitello sont somptueux, un spectacle au frisson garanti, même pour les habitués.
« It's wonderful, extraordinaire, vive la Corse », s'exclame une randonneuse allemande.
Compter les lacs
Certains monteront à la bien nommée pointe des sept lacs pour assurer le décompte. Mais la plupart des randonneurs reprendront rapidement la marche. La suite est engagée, réputée.
Cette année, l'habituel névé de la brèche de Capitello a disparu, laissant place à un chemin rocailleux. Dans la cheminée, équipée d'une chaîne en cas de neige, il faut faire attendre son tour. Certains délaissent l'équipement métallique et trouvent comment descendre sans embûches, d'autres combattent leur vertige et avance, doucement mais coûte que coûte. Chacun y va de son conseil. Les plus agiles aident et conseillent les moins confiants. « On est tous dans les mêmes galères, autant les passer tous ensemble et faire en sorte que ça se déroule bien. »
Le chemin nous fera contourner les deux lacs jusque de l'autre côté de la vallée, au col de Rinoso, puis Bocca Muzzella, dernières ascensions du jour. Sur le chemin, de nouveaux lacs reflètent les nuages pris dans les cimes. Un doux contraste dans ce paysage chaotique, quasiment dépourvu de végétation.
Dans les Stazzanelli le constat est le même pour tout le monde. L'épreuve est à la hauteur de sa réputation, courte, fabuleuse mais rude.
Le toit vert du plus vieux refuge du GR20 se laisse entrevoir en contrebas. Les dernières forces servent à descendre au milieu des aulnes odorants jusqu'à l'aire de bivouac. Des forces décuplées par l'odeur des frites et les éclats de rires qui s'élèvent de la terrasse.
Balade en forêt, baignade en rivière, pause gustative aux bergeries. Cette étape, si l'on prend le chemin officiel, est une parenthèse bienvenue où chacun peut prendre le temps.
Une étape relaxe où il est possible de prendre son temps et de profiter de magnifiques vasques pour se baigner. Toujours sous les bois, plutôt courte, cette étape est une pause fraîcheur.
Deux possibilités s'offrent aux randonneurs qui veulent rejoindre le refuge de l'Onda depuis Petra Piana. Pour les plus pressés, les plus sportifs ou les nostalgiques des premières étapes, une variante alpine serpentant sur une belle crête, parfois rocailleuses, parfois plus accessible, permet d'arriver par l'ouest.
Le GR officiel s'engouffre dans les bois en fond de vallée pour suivre un magnifique layon longeant le ruisseau du Manganello, riche en vasques de toutes tailles.
« On conseille plutôt aux randonneurs de suivre le chemin traditionnel, explique Jean-Luc Andreani, agent du PNRC à Petra Piana, parce que c'est plus doux, il y a de quoi se baigner, les bergeries de Tolla pour déjeuner et puis la forêt pour remonter à l'Onda est merveilleuse. »
En détente
Comme souvent, malgré un départ à l'heure où le soleil a déjà bien avancé dans sa course, de magnifiques vasques se présentent sur le sentier, mais les températures matinales nous dissuadent de nous dévêtir.
Le chemin est un peu long, très roulant. Le défilement des arbres est presque hypnotisant et nous transporte dans nos pensées, hors de la Corse et de ce GR20 que nous parcourons depuis maintenant huit jours.
« Grâce » à un traileur, visiblement trop occupé à suivre le sentier pour remarquer notre présence, nous revenons à la réalité lorsqu'il percute nos sacs à dos sans même, visiblement, s'en rendre compte.
« Ah ceux-là, ils sont comme ça, lance un randonneur témoins de la scène. Ils sont concentrés sur le chrono de leur montre et ne peuvent pas dévier du chemin. » Le traileur suivant nous donne tort, agrémentant son passage d'un « bonjour, excusez-moi » tout en continuant son épique avancée.
« Aujourd'hui, c'est difficile »
« Cette partie-là est très facile, on se repose aujourd'hui », reprend le randonneur.
Des Québécois nous annoncent la présence des bergeries de Tolla, toutes proches. « C'est plutôt correct, on peut acheter plein de choses et ils sont super sympathiques », détaille-t-il dans un accent reconnaissable entre mille.
C'est dans une magnifique clairière que les bergeries sont installées. Nous retrouvons ici une grande partie des randonneurs qui nous accompagnent depuis plusieurs jours. « Aujourd'hui, c'est difficile, ironise l'une d'entre eux. On va finir de siroter notre boisson, marcher quinze minutes, se baigner puis remonter à l'Onda. Et manger, encore, des lasagnes parce que la journée était vraiment difficile. »
Henri et Pierre-Thomas Graziani tiennent la bergerie et proposent leurs productions aux visiteurs. « On fait la charcuterie et le fromage, après on vend aussi du miel et des confitures que l'on prend chez d'autres artisans. »
Un, deux, trois, sautez !
La longue descente arrive à son terme au niveau de la passerelle de Tolla. Sous les planches en bois, on surplombe deux remarquables piscines naturelles auxquelles on ne peut que succomber.
C'est le moment de justifier le transport du maillot de bain. L'eau est un peu fraîche ou plutôt « rafraîchissante avec les chaleurs que nous avons depuis quelques jours. Il y a de la profondeur, du soleil sur les rochers, c'est que du plaisir », témoigne un randonneur que nous avons réveillé.
Tout près du pont, un petit promontoire permet de sauter, avec prudence toute de même, dans la vasque la plus profonde. « Je crois que c'est l'étape la plus compliquée », lance un marcheur devenu baigneur pour l'après-midi.
D'autres s'amusent à observer quelques truites tenir la position dans le courant. La marche des randonneurs est à l'arrêt, le temps semble ralenti pendant quelques heures.
Finalement, il faut reprendre l'avancée. Il ne reste plus que quelques kilomètres de montée pour rejoindre le refuge de l'Onda.
Lieu de rencontre
Toujours sous les bois, un cliquetis de sabots résonne. Michel Franchi guide ses mules vers le village pour ravitailler le refuge tenu par ses parents en produits frais. « Deux ou trois fois par semaine je donne un coup de main. On remonte le pain, les légumes, le fromage et le journal. Il y en a pour deux heures aller / retour. »
Dans l'aire de bivouac, face aux bergeries de l'Onda, les randonneurs prennent le temps de discuter. Nous retrouvons l'un d'entre eux que nous avions interrogé au départ de l'itinéraire à Calenzana. « Je suis tombé malade et j'ai dû rester ici le temps d'aller mieux. Il faut insister pour dire aux gens de prendre de quoi filtrer l'eau, même celle des sources. Ça me fait tout bizarre, car je me retrouve avec des étrangers maintenant. C'est incroyable à quelle vitesse se crée une communauté. Je marchais depuis le départ avec les mêmes personnes et on commençait tous à se connaître. »
Dernière étape pour terminer la partie nord de l'itinéraire. Il reste une dernière épreuve dans cette portion dite de transition ou, petit à petit, la transformation s'opère. La rocaille technique laisse place à des chemins en forêt plus roulants. Vizzavona est un symbole. Un milieu, un départ et une arrivée.
Dernière étape pour terminer la partie nord du GR20. Il reste une dernière épreuve dans cette portion dite de transition où, petit à petit, la transformation s'opère. La rocaille technique laisse place à des chemins en forêt plus roulants. Vizzavona est un symbole. Un milieu, un départ et une arrivée.
Il fait encore sombre au réveil. Le spectacle change chaque jour sur la terrasse des bergeries de l'Onda. L'arc-en-ciel de la veille au soir a laissé place à un élégant lever de soleil rasant les cimes de la forêt de Vivario.
Un vert légèrement teinté de jaune. Cette étape marquera la fin d'un premier périple pour les randonneurs, la fin du nord du GR20, connu pour être la partie la plus difficile techniquement. Si les esprits le savent parfaitement, les corps, au matin du neuvième jour de marche, le confirment également.
« Finalement, c'est jamais facile »
Le départ se fait en montée. Il faut rejoindre les pieds de la Punta Muratellu, à un peu plus de 2 000 mètres d'altitude. Sur la crête dénudée, les silhouettes des randonneurs se détachent sur fond de ciel bleu. Au même rythme que le soleil, ils progressent en altitude. L'ascension est difficile, raide et demande de l'attention. Assis sur un rocher au sommet, deux randonneurs font une pause, face au Monte d'Oro.
« On pensait que ça allait être facile aujourd'hui mais finalement c'est jamais facile. Il y avait écrit étape de transition, ça porte mal son nom. Il nous a fallu deux heures pour monter, on ne pensait pas que ça serait aussi compliqué. »
Au compte-gouttes, les grimpeurs arrivent au col, prenant la place de leurs prédécesseurs pour se reposer sur les rochers. La vallée de l'Agnone s'étale sous nos pieds, impossible de voir le village de Vizzavona d'ici. Cette descente semble interminable.
Toujours des cailloux
L'amorçage demande quelques compétences de funambulisme avant de rejoindre le croisement vers le Monte d'Oro. De là, il est possible d'aller se confronter à l'un des sommets remarquables de l'île. Un choix qui ajoute beaucoup de complexité mais qui vaut le détour.
Peu nombreux seront ceux qui feront ce choix, préférant passer d'une moraine à l'autre en direction de la forêt. « Tous les jours c'est différent, les paysages sont magnifiques. On a quand même hâte d'arriver à Vizzavona, je commence à avoir mal aux genoux », témoigne une randonneuse admirant la vue.
Plus bas, un groupe pousse la chansonnette, l'air est connu, les paroles revisitées. « Des cailloux, des cailloux, toujours des cailloux. »
« Même quand le chemin est roulant, c'est des cailloux, explique l'homme de tête. Après, on est là pour ça, sinon on irait à la plage. Quoi que, même sur certaines plages, il y a des cailloux. »
Jusqu'aux premiers arbres le chemin demande aux genoux un certain effort. Puis, à la fraîcheur des bois s'ajoute un sentier soudainement adouci. En cascades sur d'imposantes plaques de granite, le ruisseau a creusé au fil des siècles des piscines naturelles, aguichant les marcheurs.
Si les premières ont été délaissées, les suivantes ont trouvé preneurs. « Il faut le faire, ça fait un bien fou ! C'est exactement ce qu'on est venus chercher. »
Une route, une gare, des vacanciers
La passerelle de Tortetto, en très mauvais état cette année, marque une jonction dans cette étape.
Un passage où le monde du GR20 se mêle ensuite à celui des randonneurs à la journée et des vacanciers venus profiter des vasques. Les chaussures montantes sont parfois remplacées par des claquettes, et les sacs à dos par des parasols. Tous se mélangent et profitent près de la cascade des Anglais. Une petite heure plus tard, le hameau de Vizzavona se présente enfin sous les pins. « Ici il y a deux possibilités, la gare ou le col, explique un habitant du hameau. On peut trouver une aire de bivouac, des hôtels, des refuges, des restaurants et une pizzeria. C'est l'unique endroit où il y a une gare sur le parcours. »
Au camping nous croisons deux frères originaires d'Alsace, fatigués par cette partie nord et surtout par le poids de leur sac à dos. « Si mon frangin n'était pas là, j'aurais déjà abandonné, lance l'aîné. Mais on se régale, partout on a été bien accueilli. Un petit plus pour la bergerie qui nous a vendu une pastèque. Quand tu marches et que tu vois un bout de pastèque c'est... le Graal quoi ! » Ici, ils partiront en quête d'un restaurant pour la soirée.
Les randonneurs ont l'embarras du choix pour se restaurer. L'épicerie du refuge est également très conséquente, proposant une grande variété de produits. Dans l'aire de bivouac, les finishers du nord croisent ceux du sud et ceux, encore, qui débutent ici dans un sens ou dans l'autre. Toutes les discussions tournent autour de la même question : « Alors ? Qu'est-ce qui nous attend ? »
Source : Corse Matin, juillet 2022
Par: Nicolas Wallon
Publié le: 05 août 2022 à 19:30
Dans: Corse Matin / Balades - Randonnées
Notre périple sur le sentier de grande randonnée de la Corse continue au départ de Vizzavona en direction de Conca, au sud. Cette dixième étape, première de la partie sud, mène à la station de ski de Ghisoni-Capanelle. Un itinéraire qui tranche par sa douceur et sa facilité avec les étapes précédentes.
Si bas en altitude, même sous les frondaisons de Vizzavona, les nuits sont plus chaudes que les précédentes. C'est très tôt, à la seule lumière des lampes frontales, que nous quittons l'aire de bivouac. Sous les bois il fait très sombre, le silence est uniquement troublé par le craquement de nos pas sur les épines de pins.
Au bout de quelques minutes le chemin traverse la route nationale. Il faut être prudent, même à cette heure-ci. Le ciel s'éclaircit au fil de notre ascension.
En douceur
« Aujourd'hui c'est beaucoup plus calme, explique un jeune homme marchant avec sa mère et son frère. On va atteindre un petit col où on aura certainement une belle vue, comme à chaque fois. Le lever de soleil est magnifique, j'espère qu'on va croiser des salamandres. »
Ces deux frères promènent leur mère depuis Calenzana sur le GR20. Un cadeau qu'ils lui ont offert pour son départ en retraite.
« Je voulais le faire depuis plusieurs années, confie la jeune retraitée. Mais mon mari souffre d'arthrose. Mes fils et mes belles-filles ont eu l'idée de m'offrir ça pour mon départ en retraite. Je n'ai pas trop regardé les reportages sur le GR, ils m'ont caché beaucoup de choses. Heureusement, sinon je ne sais pas si je l'aurais fait. Dans les passages les plus critiques, ils m'ont porté mon sac. »
Le sentier quitte les bois avant d'entamer une montée plus raide où se trouve une belle source, L'Ochju Piattu. L'ascension se termine à 1640 mètres d'altitude, à Bocca Palmentu, sur une vue imprenable sur la plaine orientale et ses étangs. « C'est juste magnifique, vraiment », admire un randonneur. « C'est une balade de santé aujourd'hui, même si les sacs sont un peu lourds, reprend-il. On a profité de la gare pour descendre à Corte hier et faire des courses. On a visité la ville pendant deux heures puis on est revenus avec le train de fin d'après-midi. »
Moins fréquenté
Le chemin descend sur les magnifiques bergeries d'Alzeta dont les menuiseries et les toits sont peints en rouge. L'étape semble plus longue que les autres, plus monotone, un sentiment certainement dû au manque d'échanges. Durant de longues heures le sentier semblait être déserté. Aucun bruit de pas, aucun claquement de bâtons, aucun rire et aucune discussion sans fin sur les ressentis de chacun.
Après une petite pause face au panorama sur un promontoire dégagé, où des millions de papillons semblent trouver refuge, soudain résonnent au loin deux voix de femmes. « Quand c'est facile on ne fait que discuter, lancent-elles. On a souffert sur le nord, j'ai du sparadrap plein les doigts de pieds, une genouillère, des straps sur les genoux... J'ai commencé à protéger pour tenir le coup jusqu'au bout ! »
Au premier ruisseau, il est temps de tremper les pieds. Petit à petit, de plus en plus de marcheurs nous rattrapent et profitent de l'eau fraîche.
Sur le chemin, plusieurs sentiers se croisent dont certains permettent de rejoindre les bergeries toujours en activité. L'occasion de se ravitailler en produits du terroir.
Alors que la fin de cette interminable étape semble proche, une dernière ascension sous les chênes marque les esprits. Raide, glissante, elle permet de rejoindre le bitume qui mène à la station.
Deux gîtes accueillent les randonneurs sur place. Celui d'U Fucone, où nous passerons la nuit, est déjà bondé au milieu de la journée. « On s'est arrêté pour manger une pizza au feu de bois, mais après nous continuons notre chemin vers le col de Verde », explique un jeune randonneur.
Pour beaucoup d'autres, c'est le temps de poser les sacs, chercher une tente et déballer un jeu de cartes sur les tables de la terrasse. Sans oublier, bien entendu, de commander quelques bières.
Par: Nicolas Wallon
Publié le: 06 août 2022
Dans: Corse Matin / Balades - Randonnées
Onzième jour de marche pour ceux qui réalisent le parcours étape par étape. Une journée qui marque la fin des transitions nord-sud. L'étape est longue, douce au départ mais offre de nombreuses surprises pour les yeux. L'effort sera intense pour arriver sur Prati, le spectacle, inoubliable.
Les deux premières étapes du GR sud, lorsque l'on part de Vizzavona, sont beaucoup plus douces et tranchent nettement avec la partie nord.
Elles tranchent par leur difficulté mais également par les distances à parcourir. La portion du jour usera les semelles pendant dix-huit kilomètres et termine par une belle montée, comme une piqûre de rappel des premiers jours. Nous sommes toujours en Corse.
Montagnes de Bretagne
Les premiers mètres au départ du gîte d'U Fugone ont donné quelques sueurs froides. Le sud serait-il vraiment plus simple ? Mais rapidement, le chemin est redevenu plus doux, en descente vers un petit bout de route. Au milieu d'arbres démesurément grands, le sentier descend le long du ruisseau de Casso. Le contact avec le bitume est étrange mais court. Le balisage blanc et rouge bifurque sur la droite pour continuer sous les arbres.
Pendant plus d'une heure et demie nous n'avons croisé que des papillons, des lézards et quelques vaches. Puis, au bruit de nos pas s'en est ajouté un nouveau. Une cadence bien plus rapide, une démarche plus franche.
« Ça fait du bien, parce que le début du GR était difficile, explique un jeune marcheur un peu pressé. On ne dirait pas trop qu'on est en Corse. Je suis Breton, j'ai plus l'habitude de voir ce genre de chemin par chez moi. Mais bon, c'est bien aussi une petite pause au milieu du GR. »
Quelques petits kilomètres plus loin, trois copains se reposent dans une clairière, raisins secs dans une main, téléphone portable dans l'autre. « C'est bien de couper mais c'est bien aussi de retrouver un peu de réseau », avoue l'un d'entre eux. Derrière lui, son compagnon est ravi de la tranquillité du parcours. « On est content que ça soit un peu plus calme. Le sud c'est simple. Ça ressemble plus à chez-nous, en Bretagne. » Visiblement tous réunis sur la même étape, les Bretons se sont passé le mot pour qualifier cette étape de « bretonne ».
Fraîche ou pas fraîche ?
Il est à peine neuf heures quand nous arrivons au ruisseau de Cannareccia. Un randonneur, torse nu, trempe déjà ses jambes dans l'eau, au milieu des truites. « On s'est même déjà baignés plus tôt que ça ! Elle n'est pas fraîche, j'ai l'habitude de me baigner dans la mer du Nord. »
À ses côtés, sa compagne de marche ne semble pas du même avis. « Pour moi c'est gelé ! Soyons très clairs. Bon, ça fait quand même du bien aux jambes. »
Plus loin, trois jeunes Bretons (encore), relacent leurs chaussures. « On a trempé les pieds mais l'eau est trop froide. »
L'itinéraire continue dans les bois, de ruisseaux en ruisseaux, jusqu'au petit plateau de Gialgone où les bergeries du même nom sont réputées pour leur fromage. Dans la descente, un troupeau de vaches bloque le chemin. « On ne sait pas trop comment faire pour avancer, demande une jeune femme, un peu inquiète. On ne voudrait pas les déranger mais c'est très compliqué de les contourner. »
Certains randonneurs indiquent qu'il faut se méfier du taureau, qui peut être plus agressif. « Comment on reconnaît un taureau ? », demande un randonneur d'une vingtaine d'années avant de se justifier. « Je suis Parisien, je ne sais pas si un taureau c'est comme une vache. »
Le temps que l'explication soit dispensée, les bovins décident d'aller brouter plus loin, libérant le flux des marcheurs.
Plus bas, une passerelle donne une nouvelle occasion aux moins frileux de comparer les températures de l'eau. Nombreux sont pourtant les randonneurs à continuer leur chemin vers le col de Verde.
D'une mer à l'autre
Une nouvelle fois, le chemin croise le bitume, comme pour marquer la fin des chemins de transition entre le nord et le sud. Immédiatement, le décor change. Le chemin prend de l'altitude sous les pins, dans une pente assez raide. La montée vers Bocca d'Oru offre de somptueux paysages entre sous-bois et petits plateaux verdoyants. La dernière portion, très rocailleuse, remet tout le monde d'accord. « Nous nous sommes trompés finalement, déclarent les trois Bretons au téléphone. Le sud ce n'est pas vraiment plus simple que le nord. »
Il ne reste plus que quelques kilomètres pour rejoindre le refuge de Prati mais avant, chacun prend le temps d'admirer la vue panoramique sur la Plaine orientale. « Je crois qu'on voit des îles près de l'Italie, observe un randonneur pour qui la montée a été éreintante. Il y a même des étangs sur la côte en bas. C'est magnifique... »
Arrivés presque au terme de cette onzième journée de marche, les randonneurs du GR20 peuvent se rendre compte ici qu'ils ont traversé l'île d'ouest en est, de la mer Méditerranée à la mer Tyrrhénienne. « C'était mon rêve de voir autant de plages depuis les montagnes. On a une vue totalement dégagée c'est incroyable. »
Après avoir traversé un vaste plateau herbeux, le refuge de Prati et sa belle aire de bivouac se présentent. Ici, le panorama est fantastique, chacun place sa tente en fonction du paysage. Le panorama s'étend de la Sardaigne aux îles toscanes. Perché à 1 800 mètres d'altitude, le refuge offre une vue plongeante sur les terres de bord de mer. Nous sommes bien en Corse, une montagne dans la mer.
Par: Nicolas Wallon
À ceux qui pensaient la partie sud du GR20 ennuyeuse, l'étape se présente comme une succession de surprises prouvant le contraire. La première se trouve, pour les plus matinaux, au sortir de la tente. Ensuite, le ballet ne s'arrête plus jusqu'au prochain refuge. Âmes sensibles, soyez prévenues, cette portion est merveilleuse.
Le repas n'était pas encore pris la veille que déjà le mot passait dans le bivouac. L'un des plus beaux spectacles du GR20 se trouve ici, à Prati, au moment précis où le soleil décide de percer à l'horizon. Un peu avant cinq heures, une symphonie pour réveils s'est improvisée sur le plateau.
Debout face à la mer Tyrrhénienne, emmitouflés dans leurs doudounes, les randonneurs attendent le moment crucial.
L'horizon s'éclaircit, le bleu sombre est peu à peu grignoté par des rouges orangés jusqu'à ce que le soleil finisse par faire une timide apparition. Sa lente ascension permet de deviner les côtes italiennes et les îles toscanes en ombres chinoises. Ce matin-là, aucun nuage n'était visible à l'horizon mais, paraît-il, la représentation est d'autant plus prenante lorsqu'elle se joue sur une mer de coton.
La plus belle étape
« Nous avons passé une mauvaise nuit avec le vent et les aboiements des chiens, explique une spectatrice, mais heureusement qu'on a un beau lever de soleil. Je pense que c'est la plus belle vue qu'on a depuis le début du GR. »
Un sentiment unanime chez les randonneurs. Le film n'est pas encore terminé, les scènes suivantes seront tout aussi prenantes une fois sur les crêtes. L'étape du jour est assez courte pour le sud, onze kilomètres et longe l'arête de sommets en sommets jusqu'au refuge d'Usciolu. Pour de nombreux amateurs du GR20, cette étape est, de loin, la plus belle sur l'ensemble du parcours.
Le chemin rejoint rapidement la première montée de la journée pour offrir aux marcheurs une vue plongeante à 360 degrés. Tout le sud de l'île s'étend au petit jour jusqu'à la Sardaigne. À l'est l'Italie se laisse apercevoir et, plus proche, la Plaine orientale et ses étangs reflétant les premiers rayons de soleil. À l'ouest, l'authentique et sauvage vallée du Taravo expose fièrement ses villages perchés. Plus au nord on aperçoit, comme souvent en altitude dans l'île, l'emblématique Paglia Orba. Sa vision ramène aux souvenirs des jours précédents et d'épreuves difficiles.
« On n'est quand même pas loin du paradis », s'émeut un randonneur face au spectacle. « En tout cas, on s'en rapproche », ajoute son compagnon de marche.
Un peu d'escalade
« La journée s'annonce ludique, explique un randonneur au pas assuré. On va monter et descendre en restant plus ou moins à la même altitude. La clarté aujourd'hui est intéressante, c'est vraiment beau. »
Difficile de garder les yeux rivés sur le paysage pourtant. Comme lors du début de notre périple, il faut parfois ranger les bâtons et utiliser les quatre membres pour évoluer dans les dédales de rochers. Il faut rester attentif au balisage pour ne pas s'égarer sur les multiples chemins de chèvres.
L'itinéraire tente de rester en courbe de niveau en évitant les sommets les plus abrupts mais parfois, le seul chemin possible reste quand même un peu difficile. Dans la montée de Bocca di Punta Mozza, la chute d'un énorme bloc rocheux crée un inquiétant écho. Chacun accélère pensant à l'éventuelle glissade d'un camarade mais fort heureusement, rien. Pas une trace de chute.
« C'est étrange, ça paraissait tout proche, explique un jeune homme aguerri. Parfois, il y a des blocs qui se détachent seuls des parois ou qui dévalent les éboulis. Il faut rester prudent. »
Lieux d'estives
Une fois passé le point culminant de l'étape, le Monte Furmicula et ses 1981 mètres d'altitude, le chemin commence à descendre en direction du point d'arrivée.
Le maquis est ras, le relief légèrement abrupt mais présente quelques petits plateaux sur le versant est. Le secteur semble être autant fréquenté par les randonneurs que par les troupeaux montés ici à l'estive.
Un peu plus loin d'ailleurs, une centaine de têtes de brebis cherchent de quoi brouter au milieu des genévriers. Quelques béliers jouent des cornes, nous dissuadant d'approcher. Petit à petit, l'aire de bivouac se dévoile en contrebas. Les chevaux du gardien, en liberté, viennent accueillir les randonneurs. Ce n'est pas encore l'heure du clap de fin, comme la veille, le refuge offre une vue panoramique sur la Plaine orientale et les crêtes environnantes. Sur une table isolée face à la vallée, une randonneuse profite de cette dernière scène jusqu'à l'apparition d'une lune presque pleine. « Nous sommes tout de même privilégiés », nous confie-t-elle à voix basse.
Par: Nicolas Wallon
Publié le: 08 août 2022
Dans: Culture - Loisirs / Balades - Randonnées
L'itinéraire officiel quitte la crête pour rejoindre les paisibles pâturages du plateau du Cuscionu. Ruisseaux, troupeaux en liberté et production pastorale. Cette treizième étape, plus douce, propose un parcours culinaire du déjeuner au dîner, de bergeries en gîtes.
Pas de lever de soleil sur Usciolu pour nous, il faut savoir respecter son sommeil et dormir quelques heures de plus. Là où la veille les randonneurs faisaient la queue pour récupérer le repas qu'ils avaient réservé, au petit matin, c'est au tour des équidés de patienter en file.
C'est l'heure du foin quotidien.
Les randonneurs prennent la direction de la prochaine destination. Elle diffère suivant les objectifs.
« Nous irons directement à Asinau par l'ancien GR, explique un randonneur. On va gagner une journée comme ça. On est malheureusement contraints par notre réservation de ferry. » Les autres eux, prendront le temps de découvrir le plateau du Cuscionu.
S'échapper des crêtes
Pas le temps de s'échauffer, le chemin grimpe immédiatement jusqu'à Bocca di Suragheddu. Un croisement avec un chemin de liaison entre le GR et le village de Cozzano. La suite du sentier se fait d'abord, comme la veille, sur une arête. Une arête plus plane tout de même, quasiment en courbe de niveau. De part et d'autre la vue est dégagée. Un bob à damier aux couleurs d'une marque de saucissons sur la tête, un randonneur observe la vue. « Ce n'est pas plus technique qu'hier, c'est une étape de montagne mais plus douce. La lumière est magnifique avec le soleil qui se lève sur la mer. »
Sa compagne, reposée, salue l'accueil du refuge d'Usciolu, « déjà on a été super bien reçus et la nuit était très calme, on a super bien dormi ».
En quelques heures le sentier devient plus boisé et entame une longue descente. Il est temps de quitter les crêtes arides pour retrouver les prairies et les pâturages de montagne. À Bocca di l'Agnone, il faudra être vigilant pour ne pas se perdre.
« Il y a des panneaux partout, je n'y comprends rien, s'étonne un marcheur avec sa femme et son fils. Chacun met son panneau dans des directions différentes. Heureusement que j'ai emporté une carte. »
L'ancien GR continue en fait vers le sud en direction d'Asinau. Le nouvel itinéraire, tracé en 2015, fait bifurquer sur la droite en direction du plateau du Cuscionu et de ses multiples bergeries et gîtes.
Déjeuner
Sous les bois l'air est plus frais, l'ambiance est calme et nous croisons très peu de randonneurs. Le chemin descend doucement vers le croisement de deux ruisseaux. C'est à cet endroit précis que nous retrouvons enfin de la vie.
Il n'est pas encore midi, les marcheurs, sacs à dos retirés, profitent des plages au bord de l'eau pour se rafraîchir. Un peu plus loin, un troupeau de cochons a eu la même idée. Le sentier longe la rivière puis s'enfonce dans les fougères encore bien vertes au début de saison jusqu'aux bergeries de Bassetta, notre premier arrêt.
Sur un énorme brasero où crépitent des pièces de viande de toute taille, Pascal Amadei, le gérant, s'occupe de la cuisson. « Des bleues, des saignantes, des très cuites... on essaye de faire en sorte que tout le monde soit satisfait. On propose toutes sortes de viandes, du bœuf, du porc, du veau. »
Nous sommes dimanche, de nombreux habitués ont profité de l'accès routier pour venir déjeuner dans ce lieu privilégié. « Il n'y a pas que des randonneurs, explique un client, nous, on monte de temps en temps parce que Pascal est un ami. En plus on mange bien, on ne va pas se plaindre. »
Le dessert du jour se compose en partie d'un brocciu frais produit par un berger à deux pas d'ici, François Pasqualaggi. « J'ai des chèvres et des cochons, je vends le fromage mais la charcuterie c'est personnel, détaille-t-il. Le fromage je le vends aux randonneurs et le brocciu aux bergeries. C'est ma vingtième année sur le Cuscionu. »
Goûter
Le ventre plein, nous reprenons l'itinéraire blanc et rouge sur un chemin de liaison jusqu'à la chapelle San Petru.
La petite côte est difficile à l'heure de la sieste mais heureusement les installations de Matalza sont toutes proches. Un couple de randonneurs que nous suivons depuis maintenant plusieurs jours nous rattrape. « Ça fait du bien cette petite étape tranquille. On avait besoin de récupérer un peu avec la difficulté des précédentes. »
Sur la terrasse, l'heure est au repos pour ceux qui ont choisi de passer la nuit ici, une part de fiadone maison dans l'assiette.
Antone Piazza, dit Chico, est au volant de son 4x4. Le propriétaire du gîte de Matalza doit récupérer des randonneurs égarés. « Un couple est arrivé aux bergeries un peu plus haut, je vais aller les chercher, ils sont épuisés. On essaye de prendre soin d'eux. »
Dîner
Notre nuit, nous la passerons aux bergeries de Croci, deux kilomètres plus loin. En plein après-midi, les abords des cours d'eau sont prisés par les animaux en liberté.
Chevaux, vaches, cochons voire renard ou sanglier. Tous viennent s'hydrater. La terrasse de Croci n'est pas encore visible que l'odeur des lasagnes sorties du four nous imprègne déjà. C'est la spécialité de Louis Leandri, propriétaire des lieux. « On fait une première cuisson puis on laisse reposer pour que tout pénètre dans la pâte. »
Quel que soit l'endroit où auront choisi de s'arrêter les randonneurs pour cette treizième étape, la soirée promet d'être reposante et gustativement impeccable.
Lorsque le ciel est dégagé, le plateau du Cuscionu offre un magnifique coucher de soleil sur les cimes. Une fois les derniers rayons passés, les tentes se ferment dans un dernier « zip ».
Par: Nicolas Wallon
Publié le: 09 août 2022 à 14:31
Dans: Culture - Loisirs / Balades - Randonnées
Plus intime et pourtant très fréquentée. Cette quatorzième étape est souvent coupée par les randonneurs voulant gagner une journée supplémentaire. Ici, tous les publics se croisent jusqu'aux contreforts du point culminant du massif de massif de l'Incudine. Un lieu fabuleux qui permet de retracer visuellement le chemin parcouru depuis le premier jour, à Calenzana.
La portion du jour s'annonce courte, un peu moins de dix kilomètres pour rejoindre le refuge d'Asinau.
La journée débute sur le verdoyant plateau du Cuscionu et ses ruisseaux poissonneux. Dans les sous-bois, les troupeaux en liberté côtoient les animaux sauvages. Les vaches s'abreuvent aux côtés des cerfs tandis que les randonneurs arpentent les crêtes. Un itinéraire court mais riche, changeant et intense passant par le plus haut sommet de la Corse-du-Sud, l'Incudine.
Riche plateau
Le petit-déjeuner avalé, il est temps de partir à la découverte de ce lieu d'estive réputé de la Corse-du-Sud. Ici, des écogardes patrouillent pour protéger et sensibiliser à la fragilité de cet environnement.
Le secteur est riche et convoité.
De nombreux promeneurs montent à la journée découvrir le plateau et ses trésors. À pieds, en vélo ou à cheval, les propositions ne manquent pas pour appréhender de manière singulière cet écrin de verdure.
Sur le GR20, les randonneurs se suivent et prennent le temps d'observer. Du moins, presque tous. « Nous, nous faisons le GR en 5 jours, lance un traileur, tête baissée. Cette étape est belle, on dirait le Larzac. Derrière nous, il y en a deux autres qui le font en quatre jours ! »
Un peu déçus de ne pas avoir aperçu d'animaux sauvages, ils continuent leur course jusqu'à leur prochain objectif.
Vers le sommet
Assez rapidement, le chemin prend doucement de l'altitude. Sur les contreforts de l'Incudine, des troupeaux de brebis traversent d'un pas décidé le sentier, comme obnubilés par un objectif précis.
Les randonneurs observent, à l'arrêt, sans vraiment saisir la raison de cette précipitation. Il faudra tout de même consentir à un certain effort pour rejoindre le point culminant du jour, Bocca Stazzunara, à 2025 mètres d'altitude. Les derniers mètres d'ascension laissent apparaître l'Extrême-Sud avec, au premier plan, la dentelle des aiguilles de Bavella.
« Je pensais que c'était la ligne d'horizon, mais sans les lunettes je vois bien les montagnes de Sardaigne », détaille un marcheur.
Tout près des panneaux signalétiques un groupe écoute avec attention son guide. « Notre job c'est de lire le paysage pour faire ressortir les choses. On doit contextualiser le panorama », nous explique Géraldine, l'accompagnatrice.
Un jeune homme originaire de Belgique est attentif aux explications. « On ne sait pas toujours les histoires, les raisons de l'existence de certaines choses. Avec un guide, c'est une aventure physique mais aussi culturelle. »
Les plus courageux, et ils sont nombreux à ce stade de l'aventure, pousseront la montée de deux cents mètres supplémentaire jusqu'à l'Incudine, le point culminant de la Corse-du-Sud sur le GR20. « On l'a mérité cette photo ! Lance une jeune femme sacrifiant au selfie devant la croix. J'ai hâte de la montrer aux copains dans le Nord. »
Prendre son temps
La pause pique-nique au sommet est souvent plus longue que prévu. D'ici, on peut revoir une grande partie du chemin parcouru depuis Calenzana. En observant attentivement, chaque col et chaque sommet se dessinent à l'horizon. La fin approche, il faut savourer chaque instant.
De retour au col, on aperçoit les installations d'Asinau tout en bas. La descente est vertigineuse, connue pour sa technicité. Il faudra être vigilant pour ne pas glisser.
Le sourire aux lèvres, un couple réalisant le parcours dans l'autre sens gravit lentement depuis le refuge. « On fait étape à étape, parfois même en restant deux jours au même endroit. » Pour eux, l'important est de profiter du lieu et de ses alentours. Ils se donnent douze jours pour rejoindre Vizzavona depuis Conca.
« On prend le temps de se baigner, de discuter, etc. Enfin, ceux qui doublent, triplent voire quintuplent les étapes ne parlent pas beaucoup, ils n'ont pas le temps », s'amuse la jeune femme.
« On adore discuter avec les gardiens, on apprend les dessous du GR ! Et il paraît que nous sommes chanceux, nous avons vu un mouflon hier. »
Discuter, échanger, partager permet de souffler, de se poser un moment et d'appréhender sous un autre angle ces paysages et ce sentier si particulier.
Descendre sur Asinau demandera un certain temps. Une partie des marcheurs continueront leur chemin jusqu'aux bergeries, plus rustiques, situées juste en dessous. Non loin du refuge, quelques vasques permettent de finir l'après-midi en douceur, les jambes dans l'eau.
Par: Nicolas Wallon
Publié le: 10 août 2022 à 14:45
Dans: Culture - Loisirs / Balades - Randonnées
Avant dernière étape de cette aventure. Dernière barrière montagneuse à franchir pour rejoindre l'Extrême-Sud de l'île. L'une des plus belles portions de l'itinéraire se trouve ici, la variante alpine de Bavella. Pourtant, nombreux sont les randonneurs à choisir la quiétude et la facilité du chemin classique.
"J'aurai voulu savoir si c'était faisable de passer par la variante alpine aujourd'hui ?'' La question est quotidienne pour le gardien d'Asinau.
La variante alpine de Bavella est l'une des sections incontournables du GR20, un lieu emblématique qui attire autant qu'il inquiète les randonneurs.
« Cette étape est considérée comme l'une des plus belles du GR20, explique Aimé Dami, délégataire du refuge d'Asinau, si c'est faisable je conseille de la prendre. En plus, on gagne en moyenne une heure même s'il y a un peu de dénivelé un plus. »
L'heure du choix
Sur cet avant-dernier jour, du moins pour les randonneurs traversant l'île étape par étape, une sorte de prise de conscience se fait dès le petit matin. L'aventure touche à sa fin, l'important maintenant est de profiter de chaque instant. De nombreux randonneurs vont finalement sauter la variante alpine pour continuer dans le vallon. Un sentier forestier qui se veut plus calme, plus doux et moins fréquenté que la partie en crête.
« Je veux prendre du bon temps pour terminer alors je passe par la vallée, prévoit un randonneur au départ du refuge d'Asinau. Il y a aussi un peu de flemme de grimper. »
Derrière lui, un autre marcheur a fait le même choix. « Je vais suivre les marques jusqu'au bout, c'était le défi du départ. Les variantes, ce sera pour une prochaine fois. »
Après un petit ruisseau déjà bien asséché, vient le moment de tirer à la courte paille pour décider de notre itinéraire. Pour rejoindre les aiguilles de Bavella, nous entamons donc une montée raide sous les pins. « C'est dur, nous confie une randonneuse ayant elle aussi tiré la mauvaise paille, mais c'est cool, on va avoir une belle vue ! »
L'ascension terminée, l'œil cesse de fixer le sol pour reprendre vue sur l'horizon. Aux pieds d'immenses pics déchiquetés aux reflets ocre, la grande muraille de Bavella s'étend au loin.
Le sentier se laisse deviner, serpentant entre les failles et les pitons. Au loin les côtes sardes se laissent apercevoir. L'environnement est hostile, rocailleux, abrupt. Ici, les arbres sont tordus, façonnés par un vent auquel il faut s'adapter pour survivre.
Chacun marque une pause, un moment essentiel pour digérer la montée et apprécier le panorama.
Une cathédrale de roche
« Il y a des sommets fantastiques, la vue c'est... waouh... c'est énorme, énorme... », admire un marcheur assis face à l'Extrême-Sud de la Corse.
C'est ici que la difficulté commence, la montée n'était qu'un avant-goût. Au quinzième jour de marche, s'aider des mains pour évoluer dans ce dédale de pierres devient ardu, vorace en énergie. La pression monte quand vient le fameux passage de chaînes de Bavella.
Sur une énorme dalle, c'est la force des bras qu'il faut gravir, priant pour que les semelles, usées par l'aventure, ne glissent pas sous le poids. « Je pense que c'est plus impressionnant que difficile », concède une randonneuse cherchant comment grimper sans glisser.
Retour à la vie
Dans ce cirque granitique, l'écho du vol des corbeaux résonne mais est bien trop souvent couvert par les discussions des visiteurs. Comme s'il s'agissait de l'attraction phare de l'Extrême-Sud, la variante alpine est extrêmement fréquentée par tout type de promeneurs.
Certains, coincés sur un rocher en tennis, demandent de l'aide aux randonneurs du GR20 pour trouver comment redescendre. « On ne pensait pas que c'était si difficile, tout le monde nous a conseillé d'aller voir parce que c'est magnifique. » Magnifique, oui, mais demandant une certaine expérience de la montagne.
En quelques heures et plusieurs frayeurs, le sentier rejoint le col de Bavella et sa magnifique forêt de pins. Les parkings sont pleins et chaque bosquet est pris d'assaut à l'heure du pique-nique. Les randonneurs, qu'ils soient passés par la variante ou le chemin classique se retrouvent ici pour déjeuner et profiter d'un bon restaurant.
Le tumulte est brutal, voire assommant. Une sorte de prémices au retour à la vie normale, loin de la quiétude montagnarde des jours précédents. La dernière partie de la journée mène les marcheurs à s'enfoncer dans la forêt pour retrouver plus de calme. La rencontre nous avait été prédite quelques jours plus tôt. Dans les bois, nous croisons un magnifique mouflon mâle.
Dressé fièrement sur un rocher, arborant d'immenses cornes, il nous fixe un moment. Imperturbable, il reprend sans hâte son chemin vers le ruisseau en contrebas. Quelques difficultés doivent encore être franchies pour rejoindre l'avant-dernière destination de ce GR, le refuge d'I Paliri.
On comprend qu'il ne se trouve plus très loin lorsque l'on croise des randonneurs sans sac à dos, gourde à la main en direction de la source.
Par: Nicolas Wallon
Publié le: 11 août 2022
Dans: Corse Matin / Culture - Loisirs / Balades - Randonnées
Seizième et dernière étape du mythique sentier de grande randonnée de la Corse. Ceux qui terminent depuis le nord croisent ceux qui débutent par le sud. Les nostalgiques échangent leurs expériences avec les débutants. Des émotions différentes qui se partagent sur le sentier. Une dernière journée en descente durant laquelle la fraîcheur de l'altitude laisse place à la chaleur de la plaine
Certains auront un avion ou un bateau à prendre, d'autres un bus ou un taxi. Les derniers, enfin, se lèveront à l'aube uniquement pour profiter du dernier lever de soleil sur le GR20. Un spectacle, si les nuages le permettent, qui se voudra inoubliable. Les premiers rayons colorent le tafonu qui surplombe le refuge de Paliri. La paroi rocheuse se réchauffe et avec la rosée matinale se forment quelques petits nuages qui s'élèvent rapidement le long des falaises abruptes.
« Dernier lever de soleil du GR, prend conscience un randonneur face au panorama. C'est fini... ça y est, c'est fini, je n'ai rien d'autre à dire. »
Dernière côte
Ceux qui auront profité de la musique jusqu'à tard dans la nuit seront réveillés par l'agitation occasionnée par ce lever de soleil sur l'aire de bivouac. Le début du sentier est assez simple et mène les randonneurs dans une forêt de pins entourée de magnifiques pics rocheux. Au premier petit col, l'Extrême-Sud se découvre. Terminé les montagnes à perte de vue, maintenant ce sont les collines, les plaines et la mer qui dominent.
Si l'étape est connue pour être une longue descente vers le village de Conca, il faudra toute même pousser sur les cuisses à quelques endroits. Peu technique mais tout de même raide, la première montée rappelle aux corps qu'ils s'efforcent depuis maintenant seize jours dans des sentiers escarpés. On s'essouffle plus rapidement, les douleurs musculaires sont omniprésentes et le sac, oh oui ce sac, bien trop lourd en cette fin d'aventure quel que soit son poids de départ.
« Nous étions partis à deux de Calenzana, raconte un randonneur à Bocca Villaghello. Nous nous sommes fait beaucoup d'amis, une sorte de communauté du GR20. Certains ont abandonné, d'autres ont doublé les étapes. Petit à petit, on s'est de nouveau retrouvés à deux. Aujourd'hui, on pense à eux et on espère qu'ils sont bien tous arrivés au bout. »
Dernière baignade
Dans un paysage lunaire, le sentier continue la lente descente et déjà la chaleur se fait plus prégnante. Passé les huit cents mètres d'altitude, la fraîcheur montagnarde disparaît rapidement. L'air est plus lourd, le chant des cigales remplace celui des chocards et des corbeaux. Seuls les milans continuent de nous accompagner.
Juste avant de traverser le ruisseau de Punta Pinzutta, nous croisons un jeune homme et son grand-père, partis de Conca. « Nous croisons tous ceux qui terminent le GR depuis ce matin. Il y en a qui ont l'air d'être très bien, par contre, il y en a d'autres qui sont cassés. Et quelque que soient les âges. Ils ont mal aux mollets, ils ont des ampoules... mais bon... on y va quand même ! »
Un à un, les randonneurs s'arrêtent dans les dernières vasques proposant assez d'eau pour se tremper. Un dernier plongeon dans une eau légèrement verdâtre. « Il vaut mieux pas l'avaler, lance un baigneur. Elle est bien plus chaude que les jours précédents. » À ce stade de l'étape, il reste encore deux heures pour rejoindre le village de Conca. Les randonneurs, déchaussés pour la plupart, calculent le temps pour profiter au maximum de cette dernière pause sur le GR. Puis finalement, vient le temps de repartir et de renfiler les chaussures. Ou du moins, ce qu'il en reste pour certains.
Dernière descente
Délicatement, un marcheur tente de mettre son pied dans ce qui ressemble à un tas de scotch. « Elles ont souffert mais je vais arriver jusqu'au bout comme ça. Il n'y a même plus de semelle », s'amuse-t-il. Une dernière ascension puis un cirque granitique très roulant avant de rejoindre un des symboles de cette étape, Bocca d'Usciolu et son rocher percé. Un énorme rocher fendu dans sa hauteur, traversé par le sentier et marqué, de part et d'autre, du balisage blanc et rouge. Dans les esprits, il symbolise une porte de sortie ou d'entrée sur le GR20, suivant le sens choisi. Pourtant, le chemin continue sous les bois sur un sentier sablonneux.
Des pancartes et des panneaux indiquant les différents lieux de restauration et gîtes parsèment le chemin, indiquant aussi aux randonneurs que le village est tout proche. Les marcheurs continuent leur avancée dans le même état d'esprit, avec une certaine envie d'en finir et de retrouver leur quotidien.
C'est en quittant les sous-bois de Conca, au moment précis où les semelles érodées touchent finalement le bitume, que les randonneurs réalisent ce qu'ils viennent d'accomplir. La gorge se noue, les larmes perlent aux coins des yeux, l'émotion est forte, intense, incontrôlable.
Une émotion qui se libère soudainement, construite au fil des étapes, jour après jour, depuis le premier matin au départ de Calenzana. On marque une première pause pour encaisser le coup. Il y a des silences face à cette route. Des accolades, des enlaçades, des échanges forts, parfois assumés et parfois retenus. Il y a finalement ceux qui continuent jusqu'au bar, main dans la main, des empreintes de larmes séchées sur les joues jusqu'au croisement de la rue principale du village, point d'arrêt officiel des quelque cent quatre-vingts kilomètres de cet inoubliable sentier de grande randonnée.
Source : Corse Matin, juillet/août 2022
Les pratiquants, qui sont principalement des marcheurs expérimentés, se heurtent parfois à la difficulté des lieux ou aux conditions météorologiques.
Au milieu des sentiers arides, des lacs verdoyants et des brèches escarpées, les refuges ou bivouacs de montagne, douze structures, qui parcourent la totalité du GR20 de Calenzana à Conca, deviennent des lieux de sécurité pour tous les voyageurs. D'abord car ils proposent le gîte et le couvert mais aussi car ils permettent d'identifier et de recenser les personnes présentes.
Pour cela, il est nécessaire de se manifester avant même l'ascension des massifs insulaires. C'est pour cette raison que le Parc naturel régional de Corse (PNRC), dont les agents sont présents à quasiment toutes les étapes, milite depuis deux ans pour que les grimpeurs réservent leur séjour à l'avance.
« Avant tout, en termes de sécurité, c'est beaucoup plus simple pour nous que les gens réservent en ligne avant d'entamer le GR20. Lorsque c'est le cas, on a le nom des randonneurs et l'on sait s'ils sont bien arrivés dans les refuges. S'ils se perdent entre deux étapes, cela permet de réduire le périmètre de recherche en partant du dernier refuge où ils ont été localisés », explique Carlu Andria Albertini agent du Parc en charge de la centrale de réservation. Il garde un œil attentif sur la fréquentation du site pour garantir la sécurité des visiteurs et le bon fonctionnement des refuges.
Lors de la tempête qui a frappé la côte ouest de l'île, à la mi-août, le Parc a d'ailleurs été assailli d'appels de proches de randonneurs pour les localiser. « Les réseaux téléphoniques ne fonctionnaient pas, aussi, les familles des personnes présentes sur le GR20 nous contactaient pour savoir si leurs proches se trouvaient bien dans les refuges. Grâce aux réservations en ligne, nous avons rapidement pu identifier tout le monde et rassurer les familles. Mais ceux qui avaient réservé leurs places sur site sont intraçables pour nous », illustre l'agent du Parc. Cette dernière méthode pose également un problème de place dans les structures du GR20. En début de semaine, la plateforme de réservation du parc enregistrait entre 112 000 et 113 000 nuitées depuis février.
Selon Carlu Andria Albertini, 30 000 nuitées supplémentaires ont été validées sur place. Pour assurer ce service supplémentaire il est nécessaire d'avoir des places, mais ce n'est pas toujours le cas. « Parfois nous sommes obligés de les rediriger sur le village le plus proche. Nous attendons généralement 19 h 30 pour faire le point des annulations et essayer de prendre en compte tout le monde », assure le Parc. Pour lutter contre ce phénomène, le Parc a mis en place une politique tarifaire préférentielle. Sur site, les visiteurs déboursent cinq euros de plus. Le PNRC envisage d'augmenter l'écart pour réguler l'affluence, du moins l'étaler.
Autre avantage de la réservation préalable : obtenir une manne d'informations non négligeables.
« Nous donnons beaucoup d'indications sur ce qu'il est nécessaire d'apporter ou non via notre site internet. De plus, dès le départ nous faisons un point info sur la difficulté des étapes, les équipements. Au printemps par exemple, persiste des névés à certains endroits, il faut alors indiquer aux randonneurs que des crampons et des piolets seront utiles sur certaines parties », poursuit Carlu Andria Albertini, qui maîtrise parfaitement le parcours du GR20. Il énumère les refuges, livre leur situation et pointe les soucis que certains passages pourraient causer aux aventuriers.
Les agents du Parc assurent aussi un suivi précieux pour les randonneurs qui peuvent s'informer sur la météo. D'autre part, « certains sont aussi pompiers volontaires », précise Carlu Andria Albertini, ils sont alors à même de prodiguer les premiers soins et de livrer les bonnes informations au centre opérationnel départemental d'incendie et de secours.
Par: Antoine Giannini
Publié le: 12 septembre 2022
Dans Corse Matin
Le mot surfréquentation est sur toutes les lèvres alors que la saison touristique n'est pas encore terminée. Ce témoignage vient apporter de l'eau au moulin de ceux qui jugent le mythique GR20 en surchauffe. Pour y remédier, ces touristes font la promotion du Mare a Mare
Rémy (64 ans) et Anna (38 ans) en couple depuis 11 ans et jeunes mariés, ont souhaité témoigner de leur expérience du GR20 en Corse pour donner une autre vision de ce sentier prisé des randonneurs. Cet arboriculteur dans les Cévennes et cette cheffe d'une petite entreprise coopérative, ont délaissé le GR20 au bout de quatre jours face à la surfréquentation et à d'autres paramètres négatifs. Ils ont alors opté pour les itinéraires Mare a Mare, plus confidentiels mais tout aussi proche de la nature. Ils entendent aussi apporter un nouvel éclairage sur la pratique de la marche en pleine nature en Corse, pour les futurs visiteurs.
Vous avez préparé le GR20 avec votre compagnon avant de le commencer puis de le quitter au bout de trois jours pour emprunter d'autres sentiers. Qu'est-ce qui a motivé votre décision ?
Nous avons quitté le GR20 au niveau de Vizzanova le 20 juin, au bout de 4 jours de marche, après l'avoir rejoint au plateau du Coscione car nous nous sommes rapidement sentis mal à l'aise sur ce sentier. La principale raison de notre décision tient au fait que nous voyageons à pied pour traverser des pays : nous arrivions depuis Orosei en Sardaigne (10 jours de marche) et que nous marchions en Corse depuis Porto-Vecchio (3 jours de marche sur le Mare a Mare sud). Or la majorité des randonneurs du GR 20, comme vous le dites, le " préparent " car il s'agit pour eux d'une expérience de performance sportive personnelle, proche de celle de l'entraînement pour un " trail " plutôt que d'une expérience de la vie transhumante et autonome en montagne. Nous sommes des voyageurs et nous avions envisagé d'emprunter le GR20 comme un sentier de traversée du pays du Sud au Nord. Mais les deux approches de la montagne ne sont pas compatibles sur ce même sentier. C'est en tout cas ce qu'a révélé notre expérience en ce mois de juin.
Oui, la surfréquentation du sentier est indéniable. Elle est visible : certains rochers sont polis par le passage des pieds. Et même quantifiable : nous croisions une personne à la minute sur le créneau horaire de 9 heures à 11 heures puisque nous étions à contresens de la majorité des randonneurs qui descendent du Nord. En ce mois de juin, il faut imaginer un sentier sur lequel sur chaque tronçon, il y a 200 à 250 personnes par jour d'après nos estimations, qui nous ont été confirmées par les gardiens de refuge que nous avons interrogés. Par conséquent, pour gérer cette foule, les " refuges " sont devenus de véritables café-bar-restaurant-auberge-camping d'altitude qui doivent pourvoir aux besoins d'alimentation, d'hébergement et de confort de cette population de randonneurs sportifs qui sont, malgré toute leur volonté d'expérience nature, très assistés sur le plan matériel car voyageant très léger. Cette ambiance, mi-camp de réfugiés, mi-brasserie-restaurant d'altitude, est difficilement conciliable avec la recherche de calme, d'observation méditative et de simplicité qu'impose traditionnellement la vie transhumante en montagne. On ramassait un sac plastique par jour rempli de papier toilettes laissé en pleine nature ; on a dû subir d'être filmés par des drones, d'écouter de la musique sortant des enceintes attachées sur le sac d'autres randonneurs. Enfin, quand l'un d'entre nous a été poussé hors du sentier par un randonneur pressé, on a quitté le sentier. Or il y a des règles de priorité à la montée mais il semblerait que c'est celui qui va le plus vite qui a la priorité désormais.
À travers la découverte des sentiers Mare a Mare, vous décrivez une autre façon de voyager dans l'île. Quels sont les atouts qui vous ont séduit ?
Depuis Porto Vecchio, sur le Mare a Mare sud, nous avons rencontré d'autres mentalités dans les différents villages que nous avons traversés sur notre chemin. Maì, traductrice, François, dentiste : l'une nous a invités à boire un café chez elle, l'autre nous a fait découvrir le patrimoine de Carbini, son village, nous offrant évidemment gratuitement de leur temps avec le plaisir et l'envie de nous rencontrer et de partager leur quotidien, connaissance et amour de leur pays. Sans compter les traversés de villages et la pause dans des cafés toujours très accueillants et à l'écoute. Randonner dans l'île, c'est possible en dehors du GR 20. Un des atouts de la Corse pour le randonneur à pied, c'est la multitude des paysages et l'enchaînement de petits pays dans un périmètre restreint, ce qui fait qu'en un nombre limité de kilomètres parcourus par jour, on voyage ! Et puis, on a été bien nourris en allant à la rencontre des producteurs dans les fermes qu'on croisait par le hasard de nos itinéraires :
Quel est le message à faire passer pour les randonneurs désireux de se rendre en Corse ?
Quittez votre GPS, drone, smartphone, enceinte, etc. et allez vous perdre sur les nombreux sentiers corses ! C'est là que vous allez rencontrer des Corses qui sont ravis de la visite et aiment à faire partager des moments simples de leur vie quotidienne, leurs regards sur l'île et leur manière de l'habiter. Ramener son bagage au strict nécessaire d'un simple sac et de quelques vivres permet d'établir un contact humain plus vrai, spontané, ce qui échappe à la vie sous emprise numérique et technologique. Le GR20 est victime du marketing et du consumérisme qui lui sont associés, deux marqueurs de notre société mais qui sont antagonistes de l'esprit de la randonnée en montagne où a priori on est à la reconquête de son autonomie, à la recherche d'un accès libre et gratuit aux éléments de la nature : eau, paysages, végétal, minéral, animal. Il y a vraiment quelque chose d'inquiétant à avoir l'impression d'être dans un parc d'attractions grandeur nature où le chemin est tracé, les rencontres limitées à un microcosme de randonneurs qui consomment des paysages, des sensations d'exploit sportif, des dénivelés et des distances journalières parcourus. Il faudrait mieux communiquer sur la diversité des sentiers corses, associer les producteurs à la démarche, fermer les épiceries des refuges au moins en mai, juin, septembre et octobre pour amener les randonneurs à se ravitailler dans les villages, porter sur le dos leur nourriture pour quelques jours en vue de réapprendre le goût de l'autonomie.
Publié le 13/10/2022
Écrit par Alain Stromboni (France 3 Corse Via Stella).
Ce jeudi, le Parc Naturel Régional de Corse célèbre ses 50 ans d'existence à Corte. Jacky Zuccarelli a travaillé au PNRC de 1974 à 2015. L'ancien chef du service randonnée-montagne revient sur les débuts du GR20 et l'évolution d'un sentier qui a vu sa fréquentation augmenter au fil des années.
Créé sous l'impulsion de François Giacobbi en mai 1972, le Parc Naturel Régional de Corse (PNRC) célèbre ses 50 ans d'existence ce jeudi 13 octobre à Corte.
Embauché au Parc en 1974, Jacky Zuccarelli y a travaillé pendant plus de 40 ans. D'abord guide-moniteur puis chef du service randonnée-montagne à partir de 1997, il a notamment participé à aménager le sentier du GR20.
"Lorsque j'ai commencé à travailler au Parc, il y avait quatre chefs de secteur et seize guides-moniteurs. Nous étions une petite vingtaine, se souvient le Cortenais parti à la retraite en 2015. Au début, on créait quelque chose. C'était nouveau et génial."
Au moment de souffler les 50 bougies du PNRC, l'ancien guide-moniteur sur le GR20 remonte le temps et pose son regard sur un sentier "fréquenté à l'époque par de rares randonneurs aguerris et des bergers en transhumance".
France 3 Corse : Lorsque vous intégrez le PNRC en 1974, vous faites partie des premiers agents à aménager et à structurer le GR20. Comment se déroulait votre mission ?
Jacky Zuccarelli : Dès le début du Parc, notre première mission a été la concrétisation de l'itinéraire du GR20. À l'origine, c'était l'alpiniste Michel Fabrikant qui avait réalisé le premier tracé. Le Parc avait pris la suite. La première des choses a été de faire les reconnaissances de l'itinéraire, en partant de Calenzana pour arriver à Conca. Après, c'était le balisage et le démaquisage pour l'entretien du sentier. Ensuite, il y a eu la reconnaissance sur le terrain par rapport au nombre d'étapes. On avait fixé une moyenne comprise entre 5 et 7 heures de marche pour chacune d'entre elles.
Vous avez également participé à la mise en place des différents refuges ?
Deux avaient déjà été construits : un à Campiglione en 1972, l'autre à Petra Piana un peu avant la naissance du Parc. Après, nous avons situé d'autres refuges au fur et à mesure pour pouvoir concrétiser ces étapes. On a suivi toute leur construction. Le dernier qui a été fait est celui de Tighjettu. Le refuge d'Altore avait brûlé et nous avions fait une étape Asco-refuge de Tighjettu, sur la commune d'Albertacce. C'était dans le milieu des années 1980.
Au moment où vous commencez à baliser et structurer le GR, quel était le niveau de fréquentation ?
Aux prémices du GR, on croisait très peu de gens sur le sentier. En Corse, ce n'était pas comme aujourd'hui, très peu de monde faisait de la randonnée. C'est arrivé bien plus tard. Les gens se contentaient de faire des sommets. Les Niulinchi faisaient le Cinto, les Cortenais le Rotondu. Je me souviens d'avoir passé un mois au refuge de Campiglione avec 5-6 personnes maximum. En général, c'étaient des étrangers, surtout des Autrichiens et Allemands. En revanche, il y avait beaucoup de bergers en transhumance. Le refuge de Campiglione a notamment servi d'abri pour les éleveurs du Niolu et des Deux-Sorru. Ils pouvaient faire manger leurs bêtes, les surveiller et dormir là-haut.
Le Parc était à l'origine de la démarche ?
Au tout début, c'était l'une de nos missions. Nous devions aider les bergers à rénover les bergeries et les casgili. Il y avait une convention tripartite entre le Parc, la commune où se situait la structure et l'éleveur. Le Parc se chargeait avec l'ex-Direction Départementale de l'Agriculture et de la Forêt de financer les matériaux, les héliportages et la main-d'oeuvre. Nous avions fait ça pour favoriser la transhumance. Un peu plus de 300 opérations de ce type ont été effectuées par le Parc. Pour nous, c'était génial de travailler sur le GR.
Quand le GR a commencé à se développer, quel était le profil des randonneurs ?
C'étaient des gens très équipés, aguerris à la montagne. Ils partaient avec des sacs très lourds, de grosses chaussures. C'étaient vraiment des montagnards, surtout les Allemands et les Autrichiens. Par la suite, la randonnée a commencé à connaître un certain engouement et la mayonnaise a pris assez rapidement autour du GR.
À quel moment avez-vous observé un réel changement concernant la fréquentation ?
Ça a commencé dans le milieu des années 1980. Il y avait un peu de monde, mais ce n'était pas énorme. Au début, les gens partaient en randonnée avec des sacs pour une semaine ou 15 jours. Il n'y avait pas de ravitaillement dans les refuges. Après, ça a véritablement changé, notamment quand les randonneurs ont pu se ravitailler dans les refuges. Les gens avaient des sacs moins lourds qu'au début où c'était très difficile. En tant que guide-moniteur, à l'époque, on partait parfois pendant 10 jours avec tout dans le sac. C'était pareil pour les randonneurs.
Comment le Parc s'est-il adapté à cette évolution de la fréquentation ?
Ce sont surtout les structures qu'il a fallu adapter. Lorsqu'on a commencé à avoir du monde, le refuge de Paliri qui faisait une vingtaine de places est vite devenu obsolète. Petra Piana et ses 28 places également. Pareil à Campiglione. Aujourd'hui, c'est sûr que c'est différent...
À l'époque, pensiez-vous que le GR pourrait devenir aussi attractif qu'il l'est aujourd'hui ?
Au début, pas du tout. On se disait qu'on n'aurait que quelques personnes. Puis, au fur et à mesure, on a vu l'ampleur que ça prenait. Qu'on le veuille ou non, aujourd'hui on se mord les doigts mais, au début, nous faisions ça pour faire venir des gens et pour donner un petit coup de pouce à l'économie. Il y avait des emplois à la clé, avec des gardiens et des agents du Parc qui ont ensuite travaillé sur d'autres missions au fur et à mesure du développement de la structure. Il faut reconnaître que le GR a aussi contribué aux finances du Parc. On a donc aussi voulu qu'il y ait plus de monde. Mais là, maintenant, il y en a beaucoup, car tout le monde connaît et parle du GR20.
Situé sur la commune de Cozzano, le refuge d'Usciolu est l'un des 12 refuges du PNRC sur le GR20.
Les sentiers "Mare a Mare" et "Mare è Monti" ont aussi été aménagés par le Parc. Ont-ils permis de désengorger un peu le GR ?
On les a aussi mis en avant sur les salons, avec les sentiers inter-villages. C'était il y a vingt ans. Mais quand les gens arrivaient au stand, ils nous disaient : "bonjour, nous venons pour le GR20". C'était le fleuron et aussi un produit d'appel. Le sentier est à la fois très beau et très difficile. Les gens se disent "j'ai fait le GR, est-ce que je ne pourrais pas faire le "Mare a Mare" ou le "Mare è Monti" qui va être plus facile ?" Il y a d'ailleurs des structures bien équipées. Et, grâce au GR20, les gens viennent de plus en plus pour faire ces deux sentiers-là qui se sont développés dans les années 1980. Après, le GR20 reste le GR20. Sa beauté et sa diversité sont uniques. Sans oublier sa difficulté.
Le côté "défi à relever" ou "record à battre" s'est aussi développé au fil du temps...
Oui. J'ai vu des gens arriver à Conca et dire "on l'a fait !". Aujourd'hui, vous avez des personnes qui partent sur le GR avec un petit sac et qui le font en trois ou quatre jours. Ils triplent les étapes dans la journée. Ça avant, c'était très rare. Le trail s'est aussi beaucoup développé ces dernières années. Cela a aussi contribué à faire davantage connaitre le GR20. Avant, quand vous disiez que vous étiez corse à l'étranger, les gens répondaient "Napoléon". Maintenant, souvent, ils disent "GR20".
Quand vous voyez la fréquentation du sentier aujourd'hui, quel est votre sentiment ?
Peut-être que je serai critiqué plus tard mais, pour moi, ce n'est pas une question de surfréquentation. Il faut adapter les structures au monde qui passe sur le GR. Concernant les quotas, cela dépend des sites. Sur le lac de Melo, les gens partent tous des Grotelle, c'est donc peut-être moins difficile à mettre en place. Sur le GR, c'est différent. On peut partir de Calenzana, de Bonifato, d'Asco, des Grotelle, de Verghju, de Soccia etc. Comment voulez-vous qu'on bloque les gens ou qu'on les compte ? Au sein du Parc, il y a des réservations pour les refuges mais beaucoup de gens arrivent sans avoir réservé. Ils ont leur tente. Réguler, c'est parfois plus difficile qu'on ne le pense...
Que pourrait-on faire selon vous ? Agrandir les refuges ?
Je ne pense pas que la solution se situe uniquement au niveau des refuges, même si certains sont obsolètes et doivent être refaits. Les gens sont aussi contents de dormir sous leur tente. L'important, ce sont donc les sites pour planter les tentes et surtout ce qui concerne les sanitaires. On doit pouvoir accueillir les gens, autour des refuges, avec des toilettes sèches et des douches. En les regroupant, on évite la pollution à différents endroits et le bivouac sauvage. Au tout début du Parc, il n'y avait pas de toilettes, mais il y avait 10 personne par mois sur le sentier. Cela posait moins de problème qu'aujourd'hui. Il faut donc s'adapter même si c'est compliqué.
Le Parc célèbre un demi-siècle d'existence. Quel regard portez-vous sur l'action de ce syndicat mixte dans lequel vous avez travaillé pendant quatre décennies ?
Au début, c'est vrai que nous n'étions pas beaucoup. Néanmoins, nous arrivions à faire nos missions sans problème. Nous étions 20 mais polyvalents. On faisait le terrain mais aussi de l'animation scolaire. On sensibilisait les enfants, on leur montrait les espèces, on leur passait des diapositives. On avait un rôle pédagogique. Après, il y a eu des scientifiques qui se sont occupés des différentes espèces.
Aujourd'hui, c'est différent car les missions se sont élargies. Le Parc est aussi devenu un laboratoire avec la réintroduction des cerfs, les lâchers de mouflons, les études réalisées sur le gypaète. Beaucoup de choses ont été faites sur le plan scientifique. Sans compter qu'il n'y pas que le côté terrain mais aussi tout ce qui relève des dossiers administratifs, des financements européens qui sont assez stricts. Tout ça, c'est quand même un gros travail.
In Tantu consacré aux 50 ans du PNRC :
Par: Nicolas Wallon
Publié le: 10 octobre 2022
Dans: Corse Matin/Société
Les opérations d'hivernage des refuges se sont déroulées cette semaine sur le célèbre sentier de grande randonnée de la Corse. En quelques jours, les agents ont redescendu le matériel, monté du bois et préparé les infrastructures à supporter le froid, la neige et les intempéries. Le gardien, lui, se donne encore un peu de temps avant de redescendre.
Le ciel était plutôt clément en ce début octobre sur la montagne corse. Un soleil omniprésent et un vent inexistant, un contraste très net avec les violents orages de la semaine passée. Ils ont tout de même fait descendre le mercure de quelques degrés et emporté avec eux le flux quasi continu de randonneurs dans les refuges.
À Usciolu, les marcheurs arrivent au compte-goutte et passent une grande partie de leur aventure sur le GR20 en solitaire. Dans quelques jours, les refuges vont fermer leur arrivée d'eau et les gardiens prendre la direction de plus basses altitudes, laissant la montagne dans une ambiance hivernale plus paisible.
Un ballet chronométré
Cet hivernage se prépare chaque année sur une période d'une semaine pour faire la transition dans l'ensemble des quatorze refuges gérés par le Parc naturel régional de Corse (PNRC). En quelques heures par site, les agents effectuent plusieurs rotations en hélicoptère pour redescendre le matériel superflu. "On redescend tout ce qui est gaz, le matériel des gardiens et on ferme les parties privées de manière à tout préparer pour l'année prochaine", explique Benoît Vesperini, agent au PNRC.
Les refuges sont également préparés à pouvoir accueillir les randonneurs en pleine saison d'hiver. Du bois est monté par l'hélicoptère dans d'énormes filets et entreposé derrière le refuge. Des héliportages compliqués qui demandent précision et rapidité. "Il faut faire attention au temps de vol pour le tarif de la minute et celui du carburant, détaille l'agent Christian Casanova. Après, il faut aussi respecter le poids à chaque portage. On ne peut pas mettre trop lourd."
Il faut calculer les charges en fonction de ce qu'il faut redescendre auprès des 4x4 qui attendent dans la forêt de Cozzano.
Sur la terrasse du refuge, les deux seuls randonneurs ayant passé la nuit ici admirent le spectacle. "Je suis très surpris, ça fait beaucoup de bruit et beaucoup de vent, s'étonne l'un d'eux. C'est impressionnant de voir à quel point ils sont à l'aise et précis."
Continuer en autonomie
Les portes des refuges vont rester ouvertes jusqu'à la prochaine saison mais, à l'intérieur, seuls le gaz et le bois resteront à disposition. Impossible de se ravitailler en vivres et l'eau ne sera accessible qu'à la source. "Il faut juste prévoir sa nourriture mais on peut tout de même dormir entre quatre murs et sous un toit, reprend le jeune marcheur. C'est compliqué quand même une fois que les refuges sont fermés pour faire de la randonnée, car les étapes sont difficiles, voire extrêmes. Mais ça a son charme aussi de marcher en solitaire."
Au bout de la terrasse, Bati, le délégataire du refuge, filme avec son téléphone portable les va-et-vient de l'hélicoptère. "Je veux pouvoir montrer à mes enfants plus tard comment on s'y prenait à notre époque." Depuis la mi-mai, il n'est pas retourné chez lui, à Cozzano. Durant cinq mois, il a vécu dans le chalet qu'avait bâti son père il y a bien longtemps. À Usciolu, c'est une histoire de famille. "Au départ, le refuge a été construit à côté de la cabane de mon père. Il montait ici ses vaches, reprend Bati. J'ai été gardien jusqu'en 1993 puis j'ai laissé la place à mon frère qui l'a gardée 27 ans. Il y a trois ans, il nous a malheureusement quittés et je suis remonté pour continuer cette aventure de famille. Je suis toujours un peu ému car mon frère est toujours un peu à côté de moi ici." Bati Pantalacci reprendra la direction de son domicile le 12 octobre, accompagné de ses chevaux sans qui l'épicerie d'Usciolu ne pourrait pas être aussi fournie et réputée. En fermant son chalet à clé, il mettra fin officiellement à la saison d'accueil sur le refuge d'Usciolu. Les agents du PNRC, eux, finissent de préparer les infrastructures pour l'hiver. Des étais dans les chalets afin que les toits soutiennent le poids de la neige et des planches aux fenêtres pour qu'elles résistent aux intempéries.
Avant de les laisser remonter dans l'hélicoptère, Bati propose un dernier spuntinu. Un peu de pain, de fromage, de charcuterie et un verre de vin pour trinquer ensemble, sur un air de guitare, à la fin de la saison du GR20.
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