Paesi è pievi

Ersa
Dernière mise à jour : 18/11/2018

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Fozzano est un village au cachet particulier, avec une architecture homogène, où les vestiges du Moyen-Âge sont nombreux. Les imposants murs de granit des deux maisons fortifiées furent les témoins de la célèbre vendetta qui opposa le clan des Durazzo (du quartier du haut) à celui des Carabelli (du quartier du bas). Colomba Carabelli inspira Prosper Mérimée pour son roman "Colomba".

La commune prend dès le XVème siècle une position importante dans la vallée de Tavaria, et jusqu’à Campomoro.
  
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Fozzano : les "tours", vestiges d'une rivalité revue et corrigée

Par: Emmanuel Persyn
Publié le: 29 mars 2021
Dans: Corse Matin

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Une tour dans le haut du village. Photos E.P.

Au pied de l'Alta Rocca, Fozzano surplombe la vallée du Baracci. Situé à 300 mètres d'altitude à une douzaine de kilomètres à l'est du port de Propriano, ce village, qui compta jusqu'à 900 habitants au temps de sa splendeur, tient une place particulière dans le panorama car il est entré dans l'Histoire et l'histoire littéraire.

"Je ne dois pas oublier une espèce de fortification que j'appellerais volontiers domestique, et qui n'est destinée qu'à défendre une famille contre les attaques de ses voisins. Ce sont des machicoulis, disposés en avant d'une fenêtre, au-dessus de la porte d'entrée, laquelle est d'ordinaire assez élevée, et précédée d'un escalier étroit et raide. (...) À Fozzano, à Olmeto, dans beaucoup de villes et de villages de la Corse au-delà des monts, on en trouve de semblables."

C'est en ces termes que Prosper Mérimée décrit ces tours dans Notes d'un voyage en Corse, un volume de 236 pages imprimé par l'éditeur Fournier en 1840. Jeune inspecteur général des monuments historiques - il est né le 28 septembre 1803 à Paris -, il vient d'effectuer une mission archéologique de plusieurs semaines en Corse, du 15 août au 7 octobre 1839.

Massives et austères

De fait, à Fozzano, deux grandes bâtisses de granit sombres, austères, ont tout de la fortification. Massives et imposantes, elles écrasent en tout cas les maisons voisines. Elles dominent le village, à peine éloignées l'une de l'autre. L'une borde la route principale dans le haut du village, l'autre "se trouve en contrebas d'une ruelle en escalier".

Voici quelque cinq siècles, elles alimentent la chronique. La tour du haut est alors occupée par la famille Durazzo, "la famille la plus riche du village, propriétaire de nombreuses terres", selon le Guide du routard consacré à la Corse-du-Sud.

Construite au XVIe siècle, elle est carrée, solide, caractérisée par les machicoulis à son dernier niveau. Elle est suffisamment fortifiée pour qu'on s'y sente en sécurité lorsqu'il faut s'y réfugier. Elle se distingue aussi des autres bâtisses par son balcon.

La tour en bas du village est celle des descendants du capitaine Tomaso, la famille Tomasi prenant le nom de Carabelli dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. C'est dans cette demeure que naît, le 7 mai 1775, Colomba, fille de Gian Battista Carabelli et de Marie Innocente Bernardini.

Appelée "torra vecchia" ou encore "tour Colomba" dans la base Mérimée, elle y est ainsi décrite : "L'immeuble, qui remonte vraisemblablement au XVe siècle, présente toutes les apparences d'une maison-forte, construite en granit. Des éléments de mâchicoulis lui confèrent une apparence militaire justifiant la dénomination de tour. L'intérieur se compose de seize pièces réparties sur trois niveaux, et présente le même caractère défensif."

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"Depuis un temps immémorial, le village était divisé en deux partis ennemis correspondant aux haut et bas quartiers du bourg : le parti soprano, dit parti Durazzo et Paoli, et le parti Sottano, dit parti Carabelli, Bartoli et Bernardini", raconte Jean-Baptiste Marcaggi dans son étude très documentée intitulée Colomba ou la vendetta romancée pour le site Canopé Corse.

Les familles qui les habitent, fussent-elles riches et puissantes, partagent la dure vie de la communauté villageoise. Les Carabelli et les Durazzo se croisent plusieurs fois par jour sans hostilité avérée jusqu'à ce jour où le ton monte plus que d'habitude, sans doute après le changement de camp d'un habitant.

L'opposition des deux clans se fait plus virulente, le différend vire rapidement à l'altercation puis à l'échange de coups de feu le 26 juin 1830. Tragique puisque l'épisode semble marqué par le destin et s'achève dans le sang par la mort de quatre personnes.

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Deux partis ennemis

Loin de s'éteindre, la rivalité des deux familles perdure au point que "les maisons étaient crénelées et barricadées". Elle connaît même un nouvel épisode dramatique le 30 décembre 1833. Ce jour-là, François Bartoli, fils unique de Colomba et ses alliés tendent, à l'entrée du village, un guet-apens à leurs rivaux selon le maréchal des logis Sabiani et tirent sur des Durazzo.

"Le résultat de cette sanglante rencontre fut le suivant : dans le parti Durazzo, deux morts et un blessé, les frères Jean-Baptiste et Ignace Durazzo tués, Jean-Paul blessé ; dans le parti Carabelli : deux morts, François Bartoli et Antoine-Michel Bernardini", écrit Jean-Baptiste Marcaggi.

Lorsque Prosper Mérimée la rencontre, vraisemblablement en septembre 1839, Colomba a 65 ans et sa fille Catherine 20. Veuve de Bartoli, Colomba ne se remet pas de la mort de son fils survenue lors d'une rixe le 30 décembre 1833.

L'affaire vient d'être jugée à Bastia. Colomba ne peut accepter l'acquittement des accusés. "Avec la passion qui la dominait, Colomba n'a pu que magnifier, en causant avec Mérimée, tous les actes des Carabelli. Subjugué par l'énergie farouche de la mère, ensorcelé par les beaux yeux de la fille, et en quête, il faut le dire, d'héroïsme, Mérimée a dû enregistrer avec complaisance les dramatiques récits qu'on lui débitait", écrit encore Jean-Baptiste Marcaggi.

Fiction et réalité

Toujours est-il que ce récit, complété par des lectures, notamment de chroniqueurs insulaires, inspire la célèbre nouvelle que Prosper Mérimée publie dans la Revue des deux mondes le 1er juillet 1840. Il la mûrit et laisse libre cours à son imagination pour camper une histoire de vendetta.

La véritable Colomba s'efface rapidement devant son double littéraire, en réalité une figure de fiction qui doit plus à l'imagination débridée de son auteur qu'à son modèle qui qualifie d'ailleurs ce récit de "fable".

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Vue arrière de la tombe de Colomba - EP

Enfant du pays et Prix Goncourt pour Le sermon sur la chute de Rome, Jérôme Ferrari analyse la nouvelle dans La Corse authentique de Jérôme Ferrari, un reportage diffusé sur Arte en mai 2020. "Cette nouvelle a joué un rôle important pas seulement dans le village mais dans la construction au XIXe siècle de l'image de la Corse et je pense que la construction du cliché a eu des effets ici dans la mesure où elle a conditionné en grande partie le regard qu'on portait sur nous-mêmes", explique-t-il.

Aujourd'hui, qu'ils aient ou non lu ou relu la nouvelle caricaturale de Prosper Mérimée, les visiteurs se lancent toujours sur les traces de Colomba. Après la paix du 13 décembre 1834 signée à Sartène, celle-ci quitte, en 1840, Fozzano pour Olmeto où elle meurt en 1861.

 


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